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Verso Energy veut installer une usine de carburant durable à 1 milliard d’euros dans les Vosges
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Verso Energy veut installer une usine de carburant durable à 1 milliard d’euros dans les Vosges

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La start-up industrielle parisienne Verso Energy, pilotée par Xavier Caïtucoli et Antoine Huard, porte un nouveau projet de production de carburant durable d’aviation. L’usine, dont l’investissement projeté est estimé à 1 milliard d’euros, doit s’installer sur l’Ecoparc de Chavelot, à proximité d’Épinal, dans les Vosges.

Le directeur général de Verso Energy, Antoine Huard, et son président et fondateur, Xavier Caitucoli — Photo : Verso Energy

Pour l’instant, "seul le foncier est sécurisé", tranche Antoine Huard, le directeur général de Verso Energy. La start-up industrielle parisienne vient de lever le voile sur un projet de production de SAF pour Sustainable Aviation Fuel ou carburant durable d’aviation, qui doit s’implanter sur l’Ecoparc de Chavelot, à proximité d’Épinal, dans les Vosges. L’acquisition de 21,5 hectares auprès de la SEBL Grand Est, l’aménageur de la zone d’activité, pour 8,6 millions d’euros HT, a été acté, mais reste à boucler "certaines études de faisabilité avant de pouvoir confirmer pleinement la possibilité d’avancer sur ce projet", indique Antoine Huard.

Mise en service avant 2030

D’ici la fin de l’année, le directeur général de Verso Energy pense que tous les feux seront passés au vert pour son projet vosgien : une usine de production de carburant durable d’aviation exploitant le procédé dit "Methanol-to-Jet", pour un investissement projeté d’un milliard d’euros. À plein régime, la capacité de production de l’usine vosgienne devra être comprise entre "80 000 et 150 000 tonnes de SAF", estime Antoine Huard.

Le dirigeant table sur une mise en service en 2029, à la veille de l’entrée en vigueur de la législation européenne imposant les règles d’utilisation des carburants durables d’aviation, seule piste technologiquement accessible pour décarboner le transport aérien. Pour les carburants de synthèse, produit à base d’hydrogène - soit le carburant produit par Verso Energy - les compagnies aériennes seront tenues d’en incorporer 1,2 % dès 2030, puis 5 % dès 2035, et enfin 35 % à compter de 2050.

Des projets partout dans le monde pour un marché naissant

"C’est une obligation très lourde pour les compagnies aériennes, pointe Antoine Huard. D’autant que les pénalités ne seront pas libératoires." Concrètement, une compagnie qui aura payé sa pénalité en 2030 pour non-respect des engagements ne sera pas exonérée de tenir ses engagements l’année d’après. D’après les données de l’Association internationale de transport aérien, les besoins mondiaux étaient de 8 milliards de tonnes en 2025 et seront de 450 milliards de tonnes en 2050.

"La France a une opportunité extraordinaire de devenir un pays leader sur le carburant de synthèse qui est extrêmement important pour la décarbonation du transport aérien", insiste Antoine Huard en décrivant le développement accéléré de projet de production de SAF partout sur la planète. "Financer un projet à un milliard d’euros quand vous avez des clients qui s’engagent avec des contrats pour acheter la production, en l’occurrence du carburant de synthèse, ça n’a rien d’extraordinaire", assure le directeur général de Verso Energy.

Autour de Norkse Skog, les synergies sont déjà opérationnelles : c’est le papetier qui fournit l’électricité et la vapeur à Pavatex — Photo : Pavatex - Groupe Soprema

Quatre projets de production en France

Et pour asseoir sa position sur ce marché naissant, Verso Energy porte quatre projets de production de SAF sur le sol français. En plus du projet vosgien, les équipes de Verso Energy ont travaillé sur une implantation à Tartas, dans les Landes, à proximité du papetier américain Ryam. Plus au nord, la start-up industrielle a aussi misé sur Saillat-sur-Viennes, dans le Limousin, du fait de la présence du papetier américain Sylvamo. Les équipes de Verso Energy étudient aussi la possibilité d’implanter une usine de SAF "près de Rouen" (Seine-Maritime), un projet qui doit être rendu public "en temps voulu", estime Antoine Huard. Fin 2023, la société de Xavier Caïtucoli a signé une convention en vue de l’implantation au Grand-Quevilly, en Seine-Maritime, d’une unité industrielle de production d’hydrogène bas-carbone et de carburants de synthèse avec Haropa Port, structure qui regroupe les ports de Paris, Rouen et du Havre, pour 500 millions d’euros d’investissement.

Intérêt pour le CO2 biogénique

"Ces quatre projets seront développés en parallèle", précise Antoine Huard. Soit près de 4 milliards d’euros d’investissement, pour lesquels la start-up industrielle veut mutualiser les études d’ingénieries. "Ce sont des coûts qui s’élèvent à plusieurs dizaines de millions d’euros, précise le directeur général de Verso Energy. Il y a un véritable intérêt économique à amortir ces coûts sur plusieurs projets au lieu d’un seul." Fin décembre 2022, Verso Energy a bouclé une levée de fonds pour un total de 50 millions d’euros, opération à laquelle ont souscrit Eiffel Investment Group, via Eiffel Gaz Vert, la société de capital-risque AMS Capital, Crescendix et Antoine Huard. Le fondateur de Verso Energy, Xavier Caïtucoli, a cédé Direct Energie à Total en 2018, sur une valorisation supérieure à 2 milliards d’euros.

Si les quatre projets sortent de terre comme prévu, Verso Energy sera en mesure de produire "plusieurs centaines de milliers de tonnes de SAF", par an, souligne Antoine Huard. Pour y parvenir, l’équipe de la start-up industrielle a ciblé des sites industriels disposant de tous les prérequis. Premier d’entre eux, le CO2. "Il y a beaucoup de CO2 biogénique sur la zone de l’Ecoparc, ce qui en fait une zone propice pour un projet de production de carburant de synthèse", souligne Antoine Huard.

Une consommation électrique très importante

Le plus gros émetteur de la zone n’est autre que le papetier Norske Skog : Verso Energy pourrait récupérer un total de 400 000 tonnes de CO2, pour le combiner à de l’hydrogène afin de créer du méthanol. Un premier carburant qui sera ensuite utilisé dans une autre réaction, destinée à en faire un hydrocarbure utilisable dans le transport aérien. Le procédé nécessite donc de fabriquer de l’hydrogène, obtenu en cassant la molécule d’eau, H2O, grâce à un courant électrique.

"Nos besoins en eau sont négligeables pour rapport à ce qui est déjà consommé sur la zone", estime le directeur général de Verso Energy. En 2023, Norkse Skog a prelevé dans l’environnement 18,6 m3 d’eau par tonne de papier produit. À plein régime, le procédé papetier de l’usine peut donc engloutir plus de 14 millions de mètres cubes d’eau par an, l’essentiel étant retraité puis rejeté dans l’environnement. Mais l’installation de Verso Energy aura un impact énorme sur la consommation électrique du site. Aux 800 MWh consommés chaque année par Norske Skog, la future usine de Verso Energy devra ajouter pas moins de "2 à 3 TWh" par an, précise Antoine Huard : "Nous sommes en discussion avec RTE pour sécuriser cette capacité, ce qui implique de faire des études assez approfondies".

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