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Ryam a débuté la production de bioéthanol issu de pin des Landes et envisage un carburant pour l'aviation
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Ryam a débuté la production de bioéthanol issu de pin des Landes et envisage un carburant pour l'aviation

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L’ex-papeterie de Tartas (Landes) entame une troisième vie. La filiale française du groupe américain Ryam ajoute à son arc la fabrication depuis avril de bioéthanol, en parallèle de la cellulose de spécialité qui fait sa réputation dans le monde. À horizon 2030, elle espère même produire du carburant de synthèse pour l’aviation.

Christian Ribeyrolle, vice-président biomatériaux et nouveaux produits pour le groupe Ryam et DG France — Photo : Caroline Ansart

Le premier camion a quitté l’entreprise fin avril. Propriété de l’américain Ryam (2 500 salariés, 1,8 Md$ de CA) depuis 2018, le site de Tartas, dans les Landes, abrite désormais une nouvelle usine destinée cette fois à la production de bioéthanol à partir de pin. C’est la première du genre en France et la troisième en Europe.

Eviter de déséquilibrer les marchés agroalimentaires

"Nous faisons fermenter les sucres issus du bois, les distillons, les purifions jusqu’à obtenir du bioéthanol capable d’être utilisé par les voitures", explique Christian Ribeyrolle, le président de Ryam France et vice-président du groupe en charge des biomatériaux. Il s’agit donc de bioéthanol dit "de seconde génération", qui ne provient pas de ressources agroalimentaires (maïs, colza, betterave…). "Cela évite les déséquilibres potentiels des marchés", rappelle le dirigeant, et permet une conformité à la fois aux injonctions réglementaires de l’Europe qui impose l’introduction d’une part de bioéthanol dans les carburants, et à celles de la France qui a capé le recours au bioéthanol de première génération.

Avec une capacité de 21 millions de litres par an (quelques millions dès cette année), le site produira de quoi réduire les émissions de CO2 de 25 000 tonnes par an, soit la quantité émise par 12 500 voitures chaque année.

36 millions d’euros d’investissement

Pour autant et en dépit d’un investissement de 36 millions d’euros, le bioéthanol n’a pas vocation à devenir la nouvelle locomotive de la filiale, ni même du groupe. "Le corps de notre business demeurera la cellulose de spécialité, qui sert, non pas à la fabrication de papier, mais comme matière première pour de multiples usages en chimie : agroalimentaire, parapharmacie, écrans de téléphone… C’est une activité de niche pour laquelle Tartas est connue dans le monde entier", indique Christian Ribeyrolle. La plateforme emploie aujourd’hui 325 personnes pour un chiffre d’affaires de 200 millions en 2023.

Sortie de terre en moins d'un an, l’usine de bioéthanol a nécessité 36 millions d’euros d’investissement. Elle sera inaugurée fin juin — Photo : Caroline Ansart

Pas d’arbre coupé

L’usine principale reste donc dévolue à l’extraction et à la purification de cellulose mais a son rôle à jouer dans le processus de fabrication du bioéthanol. "C’est elle qui génère les sucres des pins lors des cuissons de notre processus de production de cellulose", détaille Christian Ribeyrolle. Ce qui explique les ambitions limitées de cette diversification : tributaire de la quantité de matière première, le bioéthanol dépend directement de la capacité de production de cellulose. "Nous n’utiliserons pas de surface forestière supplémentaire et ne couperons pas davantage de bois, assure le dirigeant. À la manière d’une raffinerie qui exploite le pétrole, notre bioraffinerie exploite tous les composants du bois." Le principe est donc de pousser le curseur de la valorisation du pin, issu majoritairement des Landes et à 10 % d’Espagne.

Valoriser les sucres

Le savoir-faire de purification sur lequel l’entreprise capitalise est d’autant plus précieux qu’il lui permet de réussir là où d’autres projets, en Europe et dans le monde, ont échoué. "L’étape la plus complexe dans le processus de production du bioéthanol de seconde génération est l’extraction des sucres. Nous, nous l’avions à disposition. Il n’était jusqu’à présent que peu utilisé, voire brûlé", explique le dirigeant.

Les sucres s’ajoutent ainsi aux composants déjà extraits : la cellulose et la lignine. La lignine, sorte de ciment qui lie les fibres, est transformée dans la seconde usine, Avebene, en lignosulfonate utilisé comme adjuvant entre autres dans le béton, les fertilisants ou la tannerie. Ryam a choisi de réduire cette production au profit du bioéthanol et a formé ses salariés depuis un an.

Empreinte carbone minime

Aujourd’hui, tous les camions de bioéthanol sont destinés à un seul client. "Une grosse multinationale pétrolière basée dans le Sud de la France, avec laquelle nous avons signé un contrat pluriannuel. C’est important pour notre logique de conserver une utilisation locale, dans le Sud Ouest, avec une empreinte carbone réduite." Celle du bioéthanol de Ryam est particulièrement faible puisqu’elle est 90 % moindre comparée à la production de carburant fossile, assure Christian Ribeyrolle. La récupération de la chaleur fatale de l’usine de cellulose y contribue.

De l’eSaf à partir des fumées

Toujours dans une optique de valorisation et cette fois avec des visées d’affaires majeures, Ryam planche sur du eSaf (Sustainable Aviation Fuel), en collaboration avec le cabinet d’ingéniérie parisien Verso Energy. Ce carburant synthétique pour l’aviation devra représenter 35 % du biokérozène à horizon 2050 selon la réglementation européenne.

Ryam imagine le sien à partir des fumées de l’usine de cellulose combinées à de l’hydrogène vert, alternative "à la voie des huiles de cuisson usagées qui seront largement insuffisantes pour le marché", estime Christian Ribeyrolle. Concrètement, il s’agirait d’une part de récupérer des fumées le CO2 biogénique (issu à 95 % des biomasses) et d’autre part de produire de l’hydrogène vert sur le site. "Une usine de Saf nécessite au moins six ans, donc c’est un projet d’ici 2030", annonce le dirigeant. "L’investissement n’est pas déterminé mais ce sont des projets davantage de l’ordre du milliard. Ils nécessitent aussi du terrain ; nous avons 30 hectares de disponibles."

Les études techniques de captation du carbone dans les cheminées débutent juste. "Nous avons aussi lancé l’étude environnementale, rencontrons la Région et l’État. Un projet similaire est à l’étude en parallèle sur un de nos sites aux États-Unis." Ryam est déjà en discussion avec des compagnies aériennes américaines et européennes.

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