Drôme
"Pour bénéficier d’un week-end de 3 jours, nous nous sommes réorganisés pour être plus productifs "
Interview Drôme # BTP # Ressources humaines

Christophe Dullin directeur général de Structa "Pour bénéficier d’un week-end de 3 jours, nous nous sommes réorganisés pour être plus productifs "

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Au terme d’une expérience lancée en mars 2023, le directeur général de Structa, Christophe Dullin, livre la méthode qui a permis à la PME drômoise de tirer parti de la semaine de 4 jours : travaux préparatifs, période de test, nouvelle organisation et ajustements.

Christophe Dullin, directeur général de Structa : "Nous travaillons moins mais mieux. Au passage, nous avons même réduit le nombre d'heures supplémentaires" — Photo : Laurine Paumard

Dans quel contexte Structa (70 salariés ; 14 M€ de CA en 2023), société d’agencement sur mesure et de fabrication de cabines acoustiques implantée à Beaumont-lès-Valence (Drôme) s’est-elle intéressée à la semaine de 4 jours ?

À l’été 2022, nous avons entamé une réflexion sur l’attractivité de l’entreprise car nous étions en phase de recrutement. Nous avions besoin de recruter plus de 25 personnes en 2023. Dans le même temps, nous voulions garder nos talents et répondre aux nouvelles attentes d’équilibre personnel entre vie professionnelle et vie privée nées après le Covid. Christian Salomon, PDG de l’entreprise, s’est documenté auprès de l’organisme européen "Four days week", qui nous a donné accès à beaucoup d’études et de documentation. Nous en avons tiré la conclusion qu’il fallait personnaliser notre projet en tenant compte de nos propres contraintes et besoins. Par exemple, en tant qu’entreprise industrielle, nous ne pouvions pas nous permettre de trop réduire le temps de travail. Et nous nous sommes forgé la conviction que nos salariés devaient être partie prenante du projet dès le départ

Comment avez-vous procédé pour tester la nouvelle organisation ?

Nous avons lancé un sondage auprès de nos salariés qui se sont montrés enthousiastes. Nous avons ensuite annoncé le projet en octobre 2022 avec la création d’un groupe de travail. Puis nous avons testé notre nouvelle organisation pendant 6 mois - de mars à septembre 2023 - qui reposait sur deux grandes règles : un week-end de 3 jours du vendredi au dimanche pour tous et 36 heures hebdomadaires payées 39 heures. À l’issue du test, nous avons constaté que le chiffre d’affaires par personne n’avait pas baissé et avons lancé les choses en grandeur nature.

Comment avez-vous réussi à gagner en efficacité ?

Une des clés de voûte du succès est de dépolluer l’environnement de travail pour préserver les salariés des sollicitations numériques qui nuisent à l’efficacité et des interruptions liées aux interactions en open space. Nous avons mis en place des temps de concentration le matin d’une part et des temps de collaboration et de réunion (2 heures par jour maximum) d’autre part, l’après-midi. Toutes les études le disent : ne pas être dérangé est crucial.

Ce sont des astuces simples : fermer sa boîte mail, mettre son téléphone en silencieux, s’abstenir de déranger un collègue, etc. En pratique, chacun fait ce qu’il veut, mais globalement ces nouvelles pratiques ont été bien acceptées. Cela supposait également que les équipes adoptent les mêmes horaires de travail, de 7 heures à 17 heures ou de 8 heures à 18 heures, avec une heure de pause répartie dans la journée, soit 9 heures de travail effectif. Enfin, les relations entre services sont mieux régulées. Auparavant, l’atelier pouvait solliciter le bureau 20 fois par jour. Désormais, il note toutes ses questions qu’il transmet en une fois l’après-midi.

Quelles adaptations avez-vous faites au terme de la période de test ?

Au départ, nous avions mis en place des horaires très contraignants, une vraie usine à gaz qui s’est avérée contre-productive. Au bout d’un mois de test, nous avons simplifié les choses, avec des temps de concentration le matin et des temps collaboratifs l’après-midi.

Quels en ont été les bénéfices ?

Nous avons vraiment gagné en efficacité car nous faisons en 4 jours ce que nous faisions auparavant en 5 jours. Nous travaillons moins mais mieux. Au passage, nous avons même réduit le nombre d’heures supplémentaires qui sont devenues marginales. Et la semaine de 4 jours a fidélisé et attiré. Nos salariés sont très attachés à leur week-end de 3 jours et n’envisagent pas de partir pour une entreprise fonctionnant sur le rythme classique des 5 jours. Associée au salaire minimal décent (13 euros/heure), la semaine de 4 jours a rendu l’entreprise attractive même pour les intérimaires très attachés à leur liberté, qui ont accepté d’être intégrés. Nous avions 6 intérimaires à l’atelier en moyenne annuelle, nous n’en avons plus que 2 à ce jour. Cela nous coûte un peu plus cher mais cela nous apporte du confort.

Le travail sur 4 jours a-t-il modifié votre management ?

La machine ne fonctionne bien que si les petites routines du quotidien sont respectées. Sur 4 jours, un petit retard à un endroit ou à un autre de la chaîne est lourd de conséquences. À l’atelier, une désorganisation peut faire déraper les plannings et il nous est déjà arrivé de devoir revenir ponctuellement le vendredi. Dans ce contexte, le manager n’est pas là pour fliquer mais pour "donner du sens" en rappelant qu’une bonne organisation permet de bénéficier de 3 jours de week-end. Nous organisons aussi des points mensuels avec les salariés autour d’un café pour célébrer les victoires et avancées de l’entreprise et faire quelques rappels sur les fondamentaux de la semaine de 4 jours.

Les 70 salariés de Structa fabriquent notamment des cabines acoustiques — Photo : marianne louge

Quels en sont les éventuels inconvénients pour les salariés ?

Pour réussir dans un projet de semaine de 4 jours, il faut un peu figer les choses. Ce qui implique parfois de réduire la marge de liberté, de flexibilité de chacun. Il faut aussi reconnaître que même avec une organisation plus productive, travailler sur 4 jours est plus intense et peut être plus fatigant. Nous avons annoncé dès le départ que si ces changements d’organisation posaient des problèmes insurmontables à certains, nous étudierons au cas par cas et étions ouverts à des ruptures conventionnelles. Nous avons eu 3 départs. Et je reconnais que le système peut être parfois frustrant pour les commerciaux s’ils ne peuvent joindre leurs collègues quand ils sont dans l’urgence d’un appel d’offres.

Comment avez-vous instauré une continuité de service pendant les temps de concentration le matin et le vendredi ?

En réalité nos clients et fournisseurs se sont habitués au fait que nous ne travaillions pas le vendredi, du moment que nous offrons la même qualité de fabrication et les mêmes délais. De surcroît, la direction a mis en place une astreinte téléphonique le vendredi qu’elle assume elle-même. Pour le service client (4 salariés) nous avons instauré un pilotage centralisé des appels à la réception qui ne passe que les urgences le matin.

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