Je croustille sous la dent, je suis pliée huit fois sur moi-même, je peux être sucrée, mais aussi salée, et on me trouve désormais en boutique à Saint-Malo. Je suis ? La Gavotte ! Créée il y a plus de cent ans, la célèbre crêpe dentelle bretonne est distribuée partout en France et à l’international, à raison de 475 millions de produits façonnés chaque année. Jusqu’alors, on en trouvait en grande distribution et en réseaux de proximité comme dans les épiceries fines, les points de vente terroir, les musées, à la table de restaurants avec le café… Mais les Gavottes n’avaient pas de magasin dédié. Mis à part son magasin d’usine à Taden (Côtes-d’Armor), accolé à l’un de ses sites de production. Depuis le 2 mai dernier, la marque, détenue par le groupe Galapagos Gourmet a donc ouvert un premier magasin de centre-ville, situé intra-muros de la cité corsaire.
Un choix stratégique pour sa directrice générale, Caroline Cantin. "Saint-Malo est une ville bretonne très touristique, proche de nos bases. Cela nous permet de présenter nos produits à ceux qui ne nous connaissent pas et bien sûr aux touristes, qui veulent emporter un souvenir de la Bretagne". L’ensemble de la gamme de crêpes dentelle sucrées ou salées y est présenté, ainsi que des produits exclusifs, comme les nouveaux biscuits salés "Maison Gavotte".
Faire rayonner ses savoir-faire locaux
Pour la présidente de Galapagos Gourmet, Aurélie Tacquard, "ce projet est l’une des premières concrétisations de notre feuille de route suite à notre participation à la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) : développer la vente directe et l’expérience pour faire rayonner nos savoir-faire locaux". La dirigeante a pris en 2019 les rênes de l’entreprise auparavant dirigée par son père Christian Tacquard. Pour elle, le challenge est de" pérenniser l’entreprise centenaire et qu’elle soit encore là dans cent ans"! La Gavotte, le produit phare de Galapagos Gourmet (qui détient également les marques Traou Mad, Fossier, Mademoiselle de Margaux, Moulin du Pivert et Bühler) est un phénomène à elle seule !
L’invention de Madame Katell
La Gavotte naît officiellement en 1920, date de la création de la biscuiterie Les Gavottes (en référence à la gavotte, danse bretonne en huit mesures), dans le quartier de Loc Maria, à Quimper dans le Finistère. Les premiers employés commencent à fabriquer à grande échelle des crêpes dentelle, selon un geste minutieux qui trouve en réalité son origine en 1886. Mais le doute persiste sur les circonstances de son invention. Certains affirment que la pâtissière Marie-Catherine Cornic, dite "Madame Katell" (Catherine en breton), avait laissé un peu trop longtemps sur son billig la pâte à crêpe. Pour la sauver, elle aurait décidé de la plier puis de la rouler sur elle-même, la crêpe devenant un biscuit croustillant. D’autres disent que Madame Katell l’a délibérément inventée. Quoi qu’il en soit, le succès est immédiat. À tel point que Gavottes a besoin d’industrialiser son process de fabrication, mis au point dès 1950. Plus moderne, le nouvel outil permet à chaque pâtissière de produire non plus 100 crêpes dentelle à l’heure mais 1 500.
Création de Loc Maria Biscuits
En 1962, l’atelier de production de Quimper, devenu trop petit, déménage dans les Côtes-d’Armor, à Taden près de Dinan, sur 4 500 m². C’est là que, en 1978, la première variante des Gavottes voit le jour : la crêpe dentelle nappée de chocolat. En 1990, Les Gavottes sont reprises par Christian et Marie Tacquard, industriels originaires de Besançon (ils détiennent une biscuiterie d’éventails et cigarettes russes au sein de leur groupe nommé Galapagos). Ils voulaient se diversifier et tombent amoureux de la célèbre crêpe dentelle. Ils nomment alors leur nouveau groupe qui rassemble les marques de biscuits Loc Maria Biscuits, en référence au lieu de naissance des Gavottes. La gamme de produits s’élargit. En 2012, la marque lance ses premières "Fines Galettes".
Entreprise du Patrimoine Vivant
En 2013, peu avant leur centenaire, Les Gavottes obtiennent le label Entreprise du Patrimoine Vivant, valorisant un savoir-faire ancestral. La diversification des produits continue, avec la mise au point d’une pâte à tartiner aux éclats de crêpe dentelle en 2014, puis d’une gamme apéritive salée (fourrées au fromage) en 2016. Forte de ce succès, la marque a besoin d’encore plus d’espace de production. Galapagos investit alors 25 millions d’euros dans la construction d’une toute nouvelle usine à quelques kilomètres de Taden, à Lanvallay dans les Côtes-d’Armor. Alors que le groupe s’est installé officiellement à Rennes pour ses fonctions support, il déménage de nouveau le siège de Loc Maria Biscuits (qui comporte aussi la marque Traou Mad, de Pont-Aven) à Lanvallay. Le site de Taden, lui, est réorienté vers les produits de spécialités et les brisures de crêpes. Le nouveau site nommé LocValley est éco-conçu (avec panneaux solaires, écopâturage…) et marque déjà l’engagement durable du groupe, qui produit alors 3 500 tonnes de biscuits par an. Engagé de longue date pour l’environnement, Galapagos Gourmet lance d’ailleurs en 2020 sa propre charte "Locale et engagée", pour s’inscrire durablement dans un plan RSE.
Se rapprocher des consommateurs
Cent quatre ans après sa création, le groupe breton emploie 530 collaborateurs et réalise autour de 120 millions d’euros de chiffre d’affaires, exportant dans plus de 50 pays. Il dispose d’ailleurs de bureaux en Asie et aux États-Unis, ainsi qu’une présence aux Émirats arabes unis. "Nos Gavottes sont uniques. Notre objectif est de décliner le produit et de faire rayonner sa croustillance, confie Caroline Cantin. Pour déployer cette stratégie, nous souhaitons aujourd’hui développer davantage les réseaux de proximité et les offres personnalisées, comme ce que nous proposons à Saint-Malo. Car notre volonté est d’être plus proche des consommateurs et de mettre en place une logique de distribution en ubiquité." Si, encore une fois, le succès est au rendez-vous, d’autres magasins Gavottes pourraient ouvrir dans d’autres villes bretonnes.
