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"Nous allons ouvrir une filiale aux États-Unis pour garder nos emplois en Chine"
Interview Nantes # Distribution

Gérard Garnier président d’Algam "Nous allons ouvrir une filiale aux États-Unis pour garder nos emplois en Chine"

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Fabricant et distributeur d’instruments de musique, Algam s’apprête à prendre pied en Grande-Bretagne et aux États-Unis, un pays qui pèse la moitié du marché mondial de la musique. Pour Gérard Garnier, président d’Algam, ces nouvelles filiales de distribution doivent conforter l’usine chinoise de l’ETI nantaise.

Gérard Garnier, PDG d’Algam, leader européen de la distribution d’instruments de musique et fabricant des pianos Pleyel — Photo : David Pouilloux

Comment se porte l’entreprise que vous avez fondée voilà 53 ans ?

Elle se porte bien, et les perspectives sont bonnes. J’ai fondé Camac en 1971, et mon entreprise est devenue en un peu plus de 50 ans une ETI de 600 salariés. Environ 380 salariés travaillent en France, et le reste à l’étranger. Algam est aujourd’hui le leader français et européen de la distribution d’instruments de musique. Nous distribuons 200 marques et nous avons 200 000 références disponibles. Mais nous sommes aussi fabricant de guitares sous la marque Lâg, et de pianos, sous la célèbre marque Pleyel que j’ai fait renaître en 2017. Les comptes sont consolidés pour 2023 : on vient d’atteindre 242 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous visons les 254 millions d’euros en 2024. La holding Algam comporte 4 divisions : Camac, Audia, Gaffarel et Algam Entreprises.

Quels sont les projets de développement d’Algam ?

Nous sommes en train de monter une ligne d’assemblage de pianos Pleyel, ici, à Thouaré-sur-Loire. Nous serons ici sur du made in France pour la série F. La série P est fabriquée en Chine, et nous permet d’avoir des prix intéressants. Nous allons également ouvrir deux filiales de distribution, une première, en septembre 2024, Algam UK. Et nous allons ouvrir Algam USA, probablement en 2025. Mon fils Benjamin, qui est directeur général du groupe, est un spécialiste des fusions-acquisitions, et il est en train de s’en occuper. Pourquoi ouvrir aux États-Unis ? C’est pour garder nos emplois en Chine. J’ai une usine de guitares et 100 salariés en Chine. Quand les ventes étaient à zéro pendant le covid, je les ai gardés, alors que beaucoup d’usines fermaient. Il n’est pas question pour moi de perdre ce savoir-faire extraordinaire, et ces femmes et hommes qui comptent sur moi. Je soutiens l’emploi là-bas, comme je le soutiens en France. L’ouverture de notre filiale aux États-Unis va leur donner du travail. Ce pays représente à lui seul 50 % du marché de la musique. Si on n'est pas aux États-Unis, on rate 50 % du marché. Les perspectives de business sont évidemment intéressantes.

Vous lancez également un nouveau produit à fort potentiel. Cette fois, il concerne les pianos…

Le potentiel de ce produit est mondial, mais il nous reste à accomplir un énorme effort sur le plan du marketing. On compte aussi sur le bouche à oreille pour le faire connaître. Beaucoup de familles ont un vieux piano qui ne sert plus.

"Nous lançons un nouveau produit, le Magistral. C’est un système qui s’installe derrière le piano, et qui permet de le transformer en enceinte."

Dans une démarche écologique, nous avons souhaité donner une seconde vie aux pianos. Nous lançons un nouveau produit, le Magistral. C’est un système qui s’installe derrière le piano, et qui permet de le transformer en enceinte. On remplace le haut-parleur par la table d’harmonie du piano qui va résonner merveilleusement bien. Pour le prix du déménagement d’un piano, quelques centaines d’euros, on propose ainsi un dispositif qui permet de le garder à la maison, et de l’utiliser autrement. Et si le piano est toujours opérationnel, on peut, avec le même dispositif, ajouter un orchestre en plus et laisser le pianiste au clavier. Bref, le soliste peut ainsi être accompagné par un orchestre symphonique !

Vous dirigez votre entreprise depuis plus de 50 ans et vous avez dû prendre un grand nombre de décisions pour la développer. Quelle est votre philosophie en la matière ?

Je m’inspire de deux types de culture dans ma prise de décision. J’aime bien mélanger l’influence japonaise et l’influence américaine. Dans l’influence japonaise, on prend le temps de réfléchir, avant de prendre une décision importante. On associe beaucoup, on prend des décisions collectives. C’est un processus parfois assez lent. À l’inverse, à l’américaine, on peut prendre une décision en quelques secondes. On sort le colt, d’une certaine manière, et on fait feu. C’est plus brutal, mais ça permet d’accélérer fortement. J’aime bien ces deux extrêmes dans l’approche de la prise de décisions. Et puis, comme disait Aristote, la vertu est au milieu. En tant que président, j’essaie de prendre des décisions de façon zen. Je souhaite aussi que happyness rime avec business. Je tiens à ce que mes collaborateurs soient heureux de travailler chez Algam.

D’ailleurs, à ce sujet, vous avez une définition originale de l’acronyme PDG ?

Je me définis en effet comme Président designer général. Pour développer une entreprise, il faut régulièrement avoir de nouvelles idées.

"Je suis devenu le roi de la flûte de Pan pendant 20 ans. Mais j’ai vite compris qu’il ne fallait pas s’endormir sur une bonne idée"

Lorsque la musique des Andes a connu un succès incroyable dans les années soixante-dix, j’ai eu cette intuition de créer une société qui fabrique des flûtes de Pan. Je suis devenu le roi de la flûte de Pan pendant 20 ans. Mais j’ai vite compris qu’il ne fallait pas s’endormir sur une bonne idée. D’une manière générale, je n’ai jamais craint de m’engager sur des sujets que je ne dominais pas. J’aime cette citation de Richard Branson : "Si on te donne une opportunité, prends-la. Si tu ne sais pas faire, tu apprendras après." Il y a une sorte d’inconscience dans un projet nouveau, et parfois les gens vous disent "ça ne marchera jamais". J’ai des idées qui jaillissent sans arrêt, mais j’ai besoin de collaborateurs pour leur donner une réalité. Je me suis toujours entouré de gens qui compensent les lacunes du visionnaire que je suis. Sans eux, le voyage n’est pas possible.

L’un des plus étonnants épisodes de votre saga, c’est le développement de votre entreprise dans le domaine du golf que peu de personnes connaissent !

En 1985, ma femme me recommande de jouer au golf pour lever un peu le pied. Je prends donc une première leçon au golf de la Bretesche. Je remarque que les clubs de golf sont fabriqués à Taïwan. Je vais là-bas, et je prends des contacts, je rapporte des échantillons, et l’on me confirme en France que ce sont des produits extraordinaires. Je fonde alors une société de distribution, en 1985. Un jour, je vais au salon du golf d’Orlando. Sur un stand, je vois une vidéo extraordinaire, et je félicite le dirigeant, Ely Callaway, qui a 65 ans à l’époque. Son entreprise pesait alors 50 millions de dollars. Il me donnera la distribution de sa marque, qui deviendra rapidement le numéro 1 mondial. Moi, de mon côté, je deviens grâce à lui le numéro 1 français de la distribution de produits pour le golf. Lorsque Callaway arrivera à 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires, il souhaitera reprendre la distribution, en propre, et me rachètera mon entreprise, en 1998. Il m’a proposé une somme et il m’a demandé : "Est-ce que cela te va ?" J’ai trouvé cela très élégant. Avec cet argent, j’allais avoir l’opportunité de développer mon entreprise, en achetant notamment Gaffarel, mon principal concurrent. Dans mon bureau, il y a écrit : "Ne dure que ce qui change". Pour durer, il faut muter.

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