"Notre ambition est de passer de 200 à 300 millions d'euros de capitaux investis dans les entreprises en moins de 18 mois"
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Étienne Landel président du directoire de Sodero "Notre ambition est de passer de 200 à 300 millions d'euros de capitaux investis dans les entreprises en moins de 18 mois"

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Sodero Gestion, filiale de la Caisse d’Épargne Bretagne Pays de Loire, devient Sodero. Derrière ce changement de nom, une série de virages importants pris par la société de capital-investissement qui rayonne dans l’Ouest. Sodero souhaite augmenter de 100 millions d’euros ses investissements dans le capital des entreprises.

Étienne Landel, président du directoire de Sodero, société de capital investissement de l’Ouest de la France, filiale de la Caisse d’Épargne Bretagne Pays de Loire — Photo : David Pouilloux

Étienne Landel, vous êtes président du directoire de Sodero. En quoi la mission de Sodero consiste-t-elle ?

Sodero est une société de capital investissement qui est là pour accompagner les projets d’entrepreneurs du territoire en fonds propres afin de les aider à réaliser leur projet de développement. Nous montons au capital des entreprises, en tant qu’actionnaire minoritaire ou majoritaire. Nous sommes un acteur historique de ce métier, un précurseur. Cela fait 60 ans qu’on exerce ce métier, alors qu’il existe vraiment en France depuis une trentaine d’années. Nous sommes une filiale de la Caisse d’Épargne Bretagne - Pays de Loire.

Depuis quelques mois, Sodero Gestion est devenu Sodero, pour quelles raisons ?

C’était le bon moment de symboliser l’ensemble des virages très forts que Sodero a pris. Il y a eu une vraie transition managériale, avec le départ en retraite de nombreux cadres qui étaient là depuis plus de 20 ans. Tout le directoire a été renouvelé ces deux dernières années, avec notamment un nouveau directeur général, Olivier Blot. Par ailleurs, dans notre stratégie, nous assumons davantage aujourd’hui d’être un actionnaire plus actif, plus présent dans la gouvernance des entreprises qu’on accompagne et dans leur stratégie. Aujourd’hui, la moitié de nos capitaux sont investis avec cette logique d’actionnaire majoritaire. C’est un vrai changement.

"Nous sommes un investisseur, mais nous sommes aussi là pour être aux côtés des entrepreneurs pour les aider à mettre en place la stratégie RSE de leur entreprise"

Quid de la transition environnementale dans votre métier d’investisseur ?

C’est l’un des axes de travail qui fait aussi notre différence : nous nous sommes donné les moyens de coconstruire avec les entrepreneurs une vraie feuille de route dans la transition environnementale, avec le recrutement récent d’une directrice de la RSE au sein de Sodero et le lancement d'un fonds avec un objectif d'investissement durable Sodero Equilibre. Nous sommes un investisseur, mais nous sommes aussi là pour être aux côtés des entrepreneurs pour les aider à mettre en place la stratégie RSE de leur entreprise. En interne, c’est aussi un moyen d’emmener mon équipe de 20 salariés vers une thématique qui lui est chère.

Quels sont les montants de vos investissements annuels ?

Chaque année, nous investissons entre 30 et 40 millions d’euros dans le capital des entreprises, la moitié de manière minoritaire, et l’autre moitié de manière majoritaire. Pour 2024, ce sera d’ailleurs autour de 40 millions d’euros. Nos montants investis ont plus que doublés depuis 2 ans.

L’équipe de Sodero, à Nantes, société de capital-investissement — Photo : Brunet-Monié Photographie - Antoine Monié

Quelle est votre zone de chalandise pour les entreprises que vous accompagnez ?

Nous avons un prisme régional très assumé. Nous sommes convaincus que pour bien faire ce métier il est important d’être un acteur de proximité. Historiquement, nous sommes un acteur nantais, mais nous avons un bureau à Rennes depuis plus de 20 ans maintenant, un autre à Brest depuis trois ans, et désormais un en Vendée depuis un an. Nous couvrons tout l’Ouest. Il arrive que l’on mène quelques opérations en Normandie, en Nouvelle-Aquitaine et en Centre-Val de Loire.

Aujourd’hui, au capital de combien d’entreprises êtes-vous ?

Nous sommes au capital d’une centaine d’entreprises. Notre engagement est d’être capable d’accompagner tous les projets d’entrepreneurs à partir de la phase de post-création d’entreprise jusqu’à son développement sur dix ans, voire vingt ans pour certaines. L’accompagnement des PME est le cœur de notre métier. Nous sommes soit minoritaire, soit majoritaire au capital. Notre degré d’intervention est lié à notre niveau de détention capitalistique.

Vous avez aussi une filiale dédiée aux start-up ?

Pour les start-up, l’accompagnement se fait en effet via notre filiale Novapuls, notre accélérateur de projets résolument innovants, mais qui ont déjà un chiffre d’affaires. Cette structure a accompagné plus de 100 entrepreneurs depuis sa création en 2018, avec un modèle d'accélérateur original d'accompagnement à la première levée de fonds. Notre intervention va ainsi du capital amorçage, jusqu’à la première levée de fonds. Ces projets n’ont pas encore atteint la rentabilité, mais ils ont besoin de capitaux pour se développer. En parallèle, Sodero poursuit son activité d'investisseur en capital innovation avec des tickets qu’on investit se situent entre 100 000 et 500 000 euros par projet. En général, on arrive à se fédérer à plusieurs investisseurs. Notre engagement est aussi fort que s’il s’agissait d’une entrée au capital de 10 millions d’euros. Actuellement, nous accompagnons 35 start-up. C’est important d’être présent sur ce segment si on veut garder l’innovation dans les territoires.

"Il y avait un vrai trou dans la raquette dans les territoires pour accompagner les sujets de transmission des PME"

Parmi les sujets que vous avez à traiter, celui de la transmission est-il l’un des plus importants ?

C’est l’une des problématiques fortes que nous avons identifiée voilà une dizaine d’années. Il y avait un vrai trou dans la raquette dans les territoires pour accompagner les sujets de transmission des PME. Dans bien des cas, il n’y a pas de repreneurs au sein de la famille, et l’entrepreneur se trouve dépourvu. Souvent, c’est un groupe de cadres qui souhaite reprendre l’entreprise, mais sans avoir les fonds nécessaires. Dans ce genre de configuration, on se porte majoritaire au capital, et l’on doit assumer toutes les décisions. Or l’ADN de Sodero, c’était, au départ, l’actionnariat minoritaire. Voilà dix ans, nous avons dû opérer un changement de culture. Nous avons fait le choix de nous entourer de personnes apportant autre chose que le cadrage financier, qui est notre savoir-faire.

Quel choix a été fait ?

Celui de fédérer un écosystème d’entrepreneurs pour les entrepreneurs. Pour ces opérations de transmission, notre véhicule d’investissement s’appelle "Transmettre et pérenniser". Il vient mobiliser l’épargne, le patrimoine financier, d’entrepreneurs qui ont eux-mêmes vendu leur entreprise quelques années auparavant. Ils sont d’abord convaincus que c’est un bon placement financier pour eux que d’investir dans les fonds de Sodero. Ils voient en outre du sens dans le fait que cet argent soit investi dans des projets de PME de leur territoire. Ils trouvent d’autant plus de sens que pour certains d’entre eux, on leur propose de jouer un rôle actif au sein du comité d’investissement. Ils nous aident à faire les bons choix parmi les projets d’entreprise à reprendre et dans le choix des équipes de management pressenties pour reprendre le projet d’entreprise. Par ailleurs, un souscripteur entrepreneur est souvent membre, voire président du board de l’entreprise. Pour nous, Sodero, c’est une forme de réassurance de prendre aussi des décisions en consultant des entrepreneurs professionnels, en bénéficiant de leur appui, de leur expertise, de leur expérience.

Comment vos investissements dans vos participations majoritaires fonctionnent-ils ?

Nous sommes à notre troisième saison de notre véhicule financier Transmettre et pérenniser. Le premier a été lancé en 2013, le second en 2019, et le troisième fin 2023. Le déploiement des capitaux se fait sur 4 à 5 ans environ et on sort du capital de l’entreprise, "on déboucle", en général au bout de dix ans. Chaque millésime, nous accompagnons entre 10 et 12 entreprises, pour un montant global de 50 millions d’euros investis. Nous venons de lancer la troisième vague de Transmettre et pérenniser, avec l’ambition de porter nos participations à 80 millions d’euros. Parce qu’il y a un vrai besoin sur notre territoire.

Quelles sont vos ambitions pour les mois à venir ?

Nous gérons aujourd’hui environ 200 millions d’euros de capital, répartis dans une centaine d’entreprises. Notre ambition, pour 2024, c’est d’avoir plus de 300 millions d’euros sous gestion.

"Notre mission consiste à aller chercher des fonds afin d’investir dans les entreprises"

Pour atteindre cet objectif, notre mission consiste à aller chercher des fonds afin d’investir dans les entreprises. Pour notre véhicule Transmettre et pérenniser, nous souhaitons aller chercher jusqu’à 80 millions d’euros de fonds d’ici à 18 mois, et cela auprès des entrepreneurs souscripteurs, de notre actionnaire la Caisse d’Épargne Bretagne Pays de Loire et auprès d’investisseurs institutionnels comme Bpifrance, des compagnies d’assurances, des mutuelles, des caisses de retraite, etc. Pour notre fonds Sodero équilibre, un fonds dédié à la thématique de la transition environnementale, nous avons l’ambition d’aller chercher une quarantaine de millions d’euros, auprès des mêmes partenaires. Soit pour ces deux fonds, un total de 120 millions d’euros. S’ajoutent à cela, une quinzaine de millions d’euros de capacités d’investissement en capital-amorçage pour les start-up, sur la même échéance, d’ici à 2025.

Quelle satisfaction ressentez-vous dans votre activité de capital-investissement ?

Nous nous sentons utiles. Nous apportons du financement à l’écosystème économique du territoire. Nous apportons cette petite pierre à l’édifice de super projets d’entrepreneurs en participant à leur succès. Parmi ces projets, il y a Cat Amania, à Saint-Herblain, près de Nantes. En 2003, cette entreprise des services numériques faisait alors 3 millions d’euros de chiffre d’affaires. À l’époque, Sodero accompagnait Philippe St Cast dans la réalisation de sa première opération de croissance externe. Sodero est sorti du capital il y a quelques années après plus de 20 ans d'accompagnement. Aujourd’hui, Cat Amania affiche près de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires et compte plus de 1 000 collaborateurs !

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