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"L’investissement global pour les 16 'Food Place' de la Maison Thiriet s’élève à 45 millions d’euros"
Interview Vosges # Agroalimentaire # Investissement

Christiane Bertoncini directrice générale de la Maison Thiriet "L’investissement global pour les 16 'Food Place' de la Maison Thiriet s’élève à 45 millions d’euros"

Le spécialiste du surgelé Thiriet (3 000 salariés, 800 M€ de CA), basé à Éloyes dans les Vosges, vient d’injecter 10 millions d’euros dans son 16e centre commercial dédié à l'alimentaire, installé dans le Haut-Rhin. La directrice générale de la maison vosgienne, Christiane Bertoncini, revient sur cette stratégie clé pour le développement de l’enseigne.

"En 2024, nous avons ciblé une progression de notre chiffre d’affaires de + 5 %", explique Christiane Bertoncini, la directrice générale de la Maison Thiriet — Photo : BBmat photographie - Magali BAUER

Vous venez d’inaugurer votre 16e "Food Place" en France, celui de Kingersheim, en Alsace. Comment avez-vous recruté les partenaires locaux qui vous accompagnent ?

Nous souhaitons que la marque Food Place par Maison Thiriet préserve sa singularité et qu’elle continue à rester ancrée dans le local. C’est pourquoi, l’offre alimentaire construite à Kingersheim répond aux valeurs centrées sur un ADN d’artisans modernes familiaux et français mais aussi sur des acteurs locaux qui illustrent leur région. C’est ainsi que nous retrouvons à Kingersheim la boulangerie pâtisserie Feuillette mais aussi le maraîcher primeur Lutz, la fromagerie de Trevillers, le chocolatier Jacques Bockel, la Maison Le Borvo, fumeur de saumon étoilé, pour ne citer qu’eux, qui présentent la particularité d’être reconnus localement pour leur savoir-faire. Dans le cadre des Food Places, nous sommes face à des enseignes qui candidatent spontanément et à celles que nous ciblons et démarchons parce qu’elles incarnent l’esprit de la marque.

Depuis la première ouverture en 2015, combien avez-vous investi dans l’ouverture de "Food Place" ?

Le Food Place par Maison Thiriet de Kingersheim constitue notre premier établissement de ce type en Alsace. C’est notre vaisseau amiral par son architecture, son étage et ses terrasses. Il représente à lui seul un investissement de 10 millions d’euros. À l’échelle des 16 Food Places, l’investissement global s’élève à 45 millions d’euros.

Vous annoncez cinq nouveaux Food Places : à quel horizon de temps voulez-vous les ouvrir ?

Une année. Nous avons une ambition très forte et voulons que la marque Food Place par Maison Thiriet pèse dans l’univers de la distribution de proximité en France. C’est la raison pour laquelle notre rythme de développement est soutenu. Les prochains sites en création sont les suivants : Saint-Maur dans l’agglomération de Châteauroux, Pierre Bénite dans la région lyonnaise, Aubagne près de Marseille, Bergerac et Le Mans.

"Les Food Places par Maison Thiriet se substituent dans les villes aux marchés, aux cafés, aux places."

Combien de temps vous donnez-vous pour couvrir la France ?

Le concept a fait ses preuves tant sur le plan commercial que sur le plan architectural et environnemental. C’est pourquoi, il est désormais de mise que les élus et les maires nous contactent pour étudier la possible implantation d’un Food Place dans leurs communes. Cela se comprend aisément, car les Food Places par Maison Thiriet se substituent dans les villes aux marchés, aux cafés, aux places. Ce sont des espaces de vie à part entière où il fait bon vivre, flâner, échanger, se rencontrer. Au-delà de l’offre et des services qu’ils proposent, ils ont un rôle social majeur : celui de créer du lien et de la ferveur autour de bons produits et de bons moments à partager ensemble. Mais il n’est pas question au sein de la Maison Thiriet de privilégier la quantité des projets au détriment de leur qualité. Ce type de projets nécessite un alignement des planètes important. Sans cet alignement, pas de réalisation. La qualité de l’emplacement et des accès par exemple ne peut être une variable d’ajustement. Le rythme de développement sera donc celui qui correspondra à notre capacité à trouver les bons sites et à convaincre les élus et les commerçants des villes.

Pourquoi avez-vous commencé par couvrir le Grand Est ? La proximité avec votre siège à Eloyes dans les Vosges rend le développement plus aisé ?

Non, il n’y a aucun lien entre le développement des Food Places et leur proximité avec notre siège. Mais il est vrai que les premiers sites se sont développés majoritairement dans le quart Nord-Est de la France. Cette localisation est la conséquence d’une réserve foncière forte détenue historiquement par la Maison Thiriet dans l’est de la France à des emplacements d’exception. Depuis, la marque Food Place par Maison Thiriet s’est largement exportée et est notamment présente à Tregueux en Bretagne, à Brive-la-Gaillarde en Corrèze…

La Maison Thiriet a injecté 10 millions d’euros dans le Food Place de Kingersheim, en Alsace — Photo : Maison Thiriet

Le concept de "Food Place", visant à retrouver l’ambiance d’un marché, vous permet-il de faire augmenter le panier moyen des consommateurs ? Est-ce que "l’ambiance" change le comportement de vos clients ?

C’est indéniable. Les spécialistes que nous sommes devons construire au sein d’un même ensemble architectural une offre cohérence premium et singulière en capitalisant sur un trafic mutualisé et renforcé. Le principe du Food Place repose sur l’addition des forces formant un tout différenciant. De fait, la création de valeur, conjuguée à la synergie des flux, concourt à développer significativement le chiffre d’affaires à la fois par la progression du trafic et du panier moyen.

"L’enseigne Food Place a contribué à nourrir la stratégie de renforcement de l’écosystème des marques détenues par la Maison Thiriet."

Ce réseau "Food Place" est-il un vrai relais de croissance pour l’entreprise ?

Oui et à plusieurs niveaux. Tout d’abord d’un point de vue business par l’accélération du chiffre d’affaires des magasins de produits surgelés Thiriet disposant d’un environnement alimentaire premium et qualifié, mais aussi sur le plan de l’image à travers le positionnement stratégique de la marque Thiriet sur le bien-manger et le bien-vivre. Plus largement, les Food Place ont contribué à nourrir la stratégie de renforcement de l’écosystème des marques détenues par la Maison Thiriet. En effet, en hébergeant au sein de ses Food Places, quatre marques faisant partie intégrante des marques de la Maison Thiriet (Maison Thiriet, La Fabrique Givrée, Maison Le Borvo, My Beers, Le Mouton Givré), la Maison Thiriet se dote d’un arsenal complet visant à légitimer et à donner sens à son écosystème fondé sur le triptyque bien manger, bien vivre, bien-être.

Avec l’évolution de la place de la voiture, comment envisagez-vous l’implantation de vos futurs "Food Place" ? Faudra-t-il décliner le concept pour le centre-ville urbain ?

Le concept du Food Place implique nécessairement un parking doté d’un nombre significatif de places de stationnement. Il s’intègre donc parfaitement dans des emplacements numéro 1 au sein des principales zones commerciales en périphérie de grandes villes. Faire ses courses dans les échoppes des Food Place implique des commodités liées aux contraintes des courses (accès direct, facilité de parking, largeur des places de parking…) qui sont difficilement compatibles avec les contraintes liées aux centres-villes.

Quelle place occupent aujourd’hui dans vos ventes les 16 sites ouverts ?

Les magasins Thiriet présents dans nos Food Places surperforment et se trouvent dans le top 20 de nos magasins.

Ce modèle entre-t-il en concurrence avec la vente sur internet ?

Nous réalisons 10 % de notre chiffre d’affaires sur internet. Il n’y a pas de cannibalisation entre les Food Place et la vente sur internet, d’autant que nos magasins proposent tous depuis 2009 le service "click and collect 1 heure" et, pour les magasins Thiriet présents dans un Food Place, le service consignes surgelées 7J/7 et 24H/24. Tous deux générateurs de vente en ligne.

"Le véritable match durant les trois années qui ont suivi le Covid a été de maintenir le portefeuille clients et le chiffre d’affaires réalisé en 2020."

Aujourd’hui, combien de magasins en propre sont exploités par la Maison Thiriet ?

99 %. La Maison Thiriet présente un modèle atypique. C’est une entreprise 360° qui a fait le choix de l’internalisation de toute sa chaîne de valeur (fabrication, logistique, distribution…). Cette organisation nous confère une agilité redoutable et une maîtrise de tous les métiers issus de l’alimentaire. Au-delà de la gestion intégrée de tous les process, cette organisation nous garantit une offre distinctive et exclusive que nous différencie fortement de nos concurrents.

Avez-vous poursuivi vos efforts pour être présent en grande distribution ? Quels sont les résultats ?

Notre positionnement premium et singulier n’est pas compatible avec un référencement en GMS. Nous avons toutefois dérogé à cette règle fondamentale avec la Coopérative U, car, elle seule, présente la particularité d’être en adéquation totale avec nos valeurs et notre rapport à la qualité des produits. Mais notre collaboration ne repose pas sur un simple statut client-fournisseur. Notre démarche s’inscrit dans un partenariat gagnant-gagnant qui doit permettre aux magasins U de disposer d’une offre surgelée premium et exclusive et à Thiriet de renforcer sa notoriété par un renforcement significatif de ses points de contact avec le client. À date, nous avons près de 200 "shop in-shop" Maison Thiriet présents dans les magasins U, et projetons à horizon 5 ans d’en disposer de 500, exclusifs à la marque.

La période Covid vous a propulsé à plus de 800 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020 : sur quel niveau d’activité avez-vous bouclé l’exercice 2023 ? Qu’anticipez-vous pour 2024 ?

En 2020, nous avons vu notre chiffre d’affaires progresser de + 30 %. Durant cette période, il nous a fallu tout mettre en œuvre pour garantir à nos clients notre qualité de service qui concourt à la réputation de la Maison. Le véritable match durant les trois années qui ont suivi a été de maintenir le portefeuille clients et le chiffre d’affaires réalisé en 2020. C’est chose faite. Et de mon point de vue, le mérite relève davantage du maintien du chiffre et du portefeuille clients que de leurs accélérations consécutives à la pandémie, même si, durant cette période, nous avons su prendre les bonnes décisions pour gérer cette secousse dans les meilleures conditions. Le contexte politique, géopolitique, climatique, social, environnemental est actuellement tel, qu’il est de plus en plus difficile de se projeter sereinement. En 2024, nous avons ciblé une progression de notre chiffre d’affaires de 5 %. À mi-parcours, la météo et les paramètres économiques ne nous rendent pas la tâche facile mais il nous reste six bons mois pour faire la différence et atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Nous bénéficions d’une collection de Noël salée et sucrée 2024 incroyable et irrésistiblement créative, tant sur le design des produits que sur les recettes proposées. Je suis particulièrement confiante sur notre capacité à relever ce nouveau défi.

Vosges # Agroalimentaire # Distribution # Investissement # Implantation