Ille-et-Vilaine
"Le ZAN est une catastrophe pour notre développement économique"
Interview Ille-et-Vilaine # Industrie # Aménagement du territoire

Eric Challan Belval président du Medef 35 "Le ZAN est une catastrophe pour notre développement économique"

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La loi ZAN (zéro artificialisation nette) qui consiste à limiter les constructions sur les espaces naturels et agricoles inquiète les réseaux économiques. Le Medef 35 estime que le coup de rabot imposé à l’Ille-et-Vilaine est disproportionné. Le premier réseau d’entrepreneurs de Bretagne échange avec les élus communaux et intercommunaux pour plaider les besoins des entreprises. Il milite aussi pour une exemption des projets des industriels du dispositif.

Eric Challan Belval, président du Medef 35. Avec la loi ZAN, le patron des patrons bretilliens craint que les élus arbitrent en faveur du logement, au détriment des entreprises et du développement économique — Photo : Medef 35

À la rentrée 2023, au Forum économique breton de Saint-Malo, le Medef 35 et la CCI Ille-et-Vilaine exprimaient un message d’alerte : "les entreprises ne veulent pas être les sacrifiées du ZAN". Les dispositions prises par l’État ces derniers jours en direction des industriels (exemption de projets d’envergure nationale de la ZAN, élaboration d’une liste de sites industriels clés en main, démocratisation de la recherche de foncier via la plateforme France Foncier +…) vous rassurent-elles ?

Le problème de fond est la trajectoire de forte baisse de la consommation de surfaces : -50 % sur la décennie 2021-2031 comparée à la décennie 2011-2021. Sachant que les documents d’urbanisme n’intégreront cette baisse qu’au cours des prochaines années, de nombreux EPCI ne pourront plus construire sur des espaces naturels dès 2026, et ce jusqu’en 2031 ! (NDLR : sauf à renaturer en retour, c’est-à-dire retransformer d’autres espaces urbanisés en espaces naturels ou agricoles pour compenser). Une catastrophe pour notre développement économique, pour le logement, pour les infrastructures et les équipements collectifs. Autre problème : les différentes régions françaises font l’objet du même coup de rabot alors que la Bretagne est censée accueillir 300 000 à 600 000 nouveaux habitants d’ici 2050 (plus proche des 300 000 habitants selon les projections de l’Insee, NDLR) ! La Bretagne et plus particulièrement l’Ille-et-Vilaine risquent d’être pris en étau entre un fort développement économique et démographique et une contraction très forte des surfaces autorisées par la loi. Le Medef Bretagne a beaucoup travaillé cette question et il montre que cette baisse de l’artificialisation est non expertisée et trop radicale.

Les projets économiques et industriels notamment ont-ils leur place dans les arbitrages de parcelles en Ille-et-Vilaine, en balance avec les mètres carrés dédiés à l’habitat ?

La Région Bretagne a dû, conformément à la loi, répartir entre les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la baisse de la moitié de la consommation de foncier qui frappe la Bretagne. La métropole rennaise connaît la baisse la plus faible de Bretagne et le centre Bretagne la plus forte, au-delà de 54 % ! Ce fut le choix de la Région. À partir de ces surfaces allouées par la Région à chaque EPCI (via les Scot de Bretagne, NDLR), les communes devront effectivement arbitrer entre les entreprises, les logements, les équipements publics, les infrastructures, etc. Le risque est que les choix se fassent au détriment des entreprises et notamment de l’industrie. C’est la raison pour laquelle le Medef Bretagne propose que les surfaces mobilisées pour l’industrie le soient hors ZAN.


Êtes-vous toujours inquiet aujourd’hui ?

Oui, la lucidité commande d’être inquiet. Cette loi ZAN place les élus des EPCI et des communes dans des contraintes folles : arbitrer la pénurie imposée par la loi entre les entreprises, les ménages, les équipements collectifs. À l’heure où nous manquons cruellement de logements, le risque est que les élus, sous la pression, arbitrent en faveur du logement et bloquent de fait tout développement économique, ce qui à terme posera de très grandes difficultés économiques, sociales voire institutionnelles et démocratiques. En effet, comment réagira demain la population si le déficit de logements devait être encore plus marqué qu’il ne l’est aujourd’hui ? Plus nous tarderons à réagir, plus le problème sera profond et long à résoudre.


Avez-vous une idée du besoin en foncier qu’il faudrait aux entreprises en Ille-et-Vilaine pour répondre à leurs projets de développement ?

Selon nos estimations, ce besoin est au moins aussi fort que lors de la décennie 2011-2021. Selon le site du Cerema sur les données foncières, la consommation d’espaces fonciers "au titre des activités" s’élève pour l’Ille-et-Vilaine à 1 350 hectares. Même si nous pouvons densifier les projets, construire autrement, vous comprenez qu’une contraction de 50 % sur 10 ans (mais en réalité concentrée sur 5 années) conduit à une baisse bien supérieure à 50 % sur ces 5 dernières années… Je ne vois pas comment nous pouvons concilier le dynamisme économique bretillien avec une telle restriction de l’accès au foncier.

Ressentez-vous une appréhension de vos adhérents à mener à bien leurs projets ?

Je ne suis pas certain que tous les chefs d’entreprise aient bien intégré cette nouvelle contrainte, du moins dans la dimension de cette contraction de l’accès au foncier. Je suis intimement convaincu que la prise de conscience conduira à différer voire annuler des investissements, ce qui sera très préjudiciable à notre économie, notre territoire et in fine à la population.


Comment anticipent-ils les problèmes de mètres carrés à venir ?

Je pense que cette situation induit plusieurs comportements différents. Tout d’abord, les mieux informés et qui disposent de liquidités, achètent du foncier. D’autres déposent leurs projets au plus tôt, avant les restrictions. D’autres, enfin, densifient leurs projets, voire y renoncent. Certains arbitreront peut-être en faveur d’autres territoires, d’autres départements, voire d’autres régions ou d’autres pays, sachant que la France est le seul pays à s’engager dans cette voie.


Concrètement, le Medef 35 discute-t-il avec les élus locaux pour que les PLU intègrent les besoins des entreprises ?

Oui, le Medef 35 a commencé à plaider auprès d’élus communaux et intercommunaux pour qu’ils préservent la capacité d’investissement des entreprises sur leur territoire. Mais reconnaissons que cette loi place ces élus dans une problématique terrible de réduction de 50 % sur la décennie en cours de la consommation foncière.

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