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L’avenir de l’aéroport de Toulouse-Blagnac s’écrit à l’international
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L’avenir de l’aéroport de Toulouse-Blagnac s’écrit à l’international

Sixième aéroport français derrière Roissy, Orly, Nice, Marseille et Lyon, Toulouse-Blagnac (ATB) vit un basculement historique : pour la première fois en 2023, la part du trafic international dépasse celle du trafic domestique. L’ouverture de deux lignes transcontinentales et une offre élargie en Europe témoignent de ce repositionnement stratégique, dicté aussi par des facteurs exogènes. Explications.

7,8 millions de passagers sont passés par l’aéroport de Toulouse-Blagnac en 2023 — Photo : ATB

La croissance du trafic s’est poursuivie en 2023 à l’aéroport de Toulouse-Blagnac (155,1 M€ de CA, 19 M€ de résultat net), qui a vu passer 7,8 millions de passagers (+11 % par rapport à 2022). Mais ce trafic, pour la première fois, a été porté en majorité par l’international (+27 % comparé à 2022, et +7 % comparé à 2019, année de référence avant la crise Covid), devant le trafic domestique. “C’est historique et porteur d’avenir pour l’aéroport au service du développement économique et touristique du territoire”, relève Christian Cassayre, président du conseil de surveillance de l’Aéroport Toulouse-Blagnac (ATB) et directeur financier du groupe Eiffage, premier actionnaire de l’aéroport (à hauteur de 49,99 %).

La tendance se confirmera cet été : 76 des 90 destinations desservies depuis Toulouse, dont 6 nouveautés en Europe (Bari, Milan et Venise en Italie, Berlin en Allemagne, Copenhague au Danemark, et Zadar en Croatie) se situent hors des frontières de l’Hexagone. ATB observe même déjà une augmentation de fréquences sur le vol Toulouse-Dakar pour l’hiver prochain. “Toulouse se trouve au cœur d’un réseau qui la connecte à 15 hubs internationaux, situe Bruno Balerdi, directeur commercial, clients et communication d’ATB. Ceux-ci permettent, via une correspondance, d’accéder à l’ensemble du monde.”

90 destinations dans le monde seront accessibles depuis Toulouse à l’été 2024, dont 76 à l’étranger — Photo : ATB

“Ce point est vital à l’heure où nos liaisons nationales sont moins sollicitées, principalement parce que les voyages d’affaires sont moins nombreux, les entreprises ayant changé leurs habitudes, appuie Christian Cassayre. Il était important de nous redéployer sur l’international.”

Deux nouvelles lignes vers Montréal et Doha

Le positionnement international d’ATB s’est renforcé depuis l’ouverture, l’été dernier, de deux lignes transcontinentales, vers le Canada et le Qatar, qui ont livré leurs premiers enseignements. Lancée en juin 2023, la liaison directe entre Toulouse et Montréal, assurée par la compagnie Air Canada qui opère un Airbus A330-300 tri classes (business, premium et éco), a été empruntée par plus de 80 000 passagers (données à fin mars 2024). Son taux de remplissage a atteint 85 % lors de l’été 2023 et 70 % pendant l’hiver. La ligne est fréquentée à la fois par la clientèle affaires, notamment celle de la filière aéronautique (Airbus est implanté au Canada depuis 1984), et par la clientèle loisirs.

Air Canada relie Toulouse à Montréal depuis juin 2023 — Photo : Air Canada

“Durant les trois premiers mois de l’année 2024, 25 % à 30 % des passagers sont passés par Montréal pour se connecter au Mexique, à Cuba, à la République dominicaine ou aux États-Unis”, précise Bruno Balerdi. Opérée par la compagnie Qatar Airways via un Airbus A330-200 depuis juillet 2023, la ligne Toulouse-Doha, pour sa part, a transporté plus de 40 000 passagers et obtient aujourd’hui un taux de remplissage de 80 %. Elle reste plutôt plébiscitée par la clientèle loisirs. “Nous travaillons avec Qatar Airways pour augmenter la fréquence de l’avion mais cela ne se fera pas cette année, indique Bruno Balerdi. Avec trois vols par semaine, nous ne sommes pas capables de satisfaire totalement la demande de déplacement pour les voyages d’affaires. Nous devons monter à quatre fréquences et c’est un projet que nous avons pour les prochaines années.”

Participer à l’attractivité du territoire

Par le biais de ces deux lignes transcontinentales, ATB participe également à l’attractivité du territoire occitan. L’aéroport a ainsi conclu des partenariats bilatéraux avec les principales institutions touristiques locales, l’Agence d’attractivité de Toulouse, le Comité régional du Tourisme et des Loisirs d’Occitanie et le Comité départemental du tourisme de la Haute-Garonne. Objectif : investir dans des actions de promotion communes visant à faire rayonner Toulouse et ses environs sur les marchés cibles de l’aéroport. Depuis 2023, le lancement de la ligne Toulouse-Montréal par Air Canada est soutenu par un budget de 284 000 euros, pour mener des actions de promotion commerciale sur le marché canadien.

Cette année, une opération similaire est rééditée dans le cadre du lancement de la ligne Toulouse-Copenhague par la compagnie norvégienne Norwegian, à partir du 3 juin : 130 000 euros vont être investis par ATB et ses partenaires, dont Atout France, sur des actions de marketing et de communication. “Nous aimerions poursuivre avec Norwegian sur un développement vers l’Europe du Nord qui fait partie de notre stratégie”, précise Bruno Balerdi. Via Doha, le territoire cherche aussi à attirer une clientèle intéressée par les pèlerinages (Lourdes se trouve à moins de deux heures de Toulouse), les catholiques des Philippines par exemple.

Vers New York en 2027 ?

Prochaine étape ? Le rêve d’une ligne directe entre Toulouse et New York, évoquée depuis plus de dix ans dans la Ville rose. “Toutes les données que nous analysons démontrent qu’il existe une forte demande pour aller à New York, révèle la direction d’ATB. L’équation, c’est de trouver le bon modèle d’avion. Les avions actuels sont trop gros et difficiles à rentabiliser. C’est ce qui ressort des discussions que nous menons avec les compagnies américaines. Elles sont cependant intéressées par l’A321XLR, à l’horizon 2027.” Le dernier né de la gamme Airbus A320 (244 places) pourra parcourir jusqu’à 8 700 km, contre 5 930 km pour un A321, alors que 6 000 km séparent Toulouse de New York. Selon Airbus, la livraison des premiers A321XLR est prévue pour le troisième trimestre 2024.

Le retrait annoncé d’Air France sur les liaisons intérieures

Stratégique, le cap mis sur l’international par ATB vient aussi en réponse à la baisse notoire enregistrée sur les vols domestiques. Celle-ci devrait s’accélérer de 25 à 30 % lors de la mise en service de la future LGV, prévue en 2032, qui reliera Toulouse à Paris en 3 h 10. “Le trafic intérieur a baissé de 5 % en 2023 et il représentait 70 % de ce qu’il était en 2019, exactement comme à Lyon, précise Philippe Crébassa, le président du directoire d’ATB. C’est un phénomène général qui ne touche pas que Toulouse. Il est essentiellement dû au retrait d’Air France des lignes intérieures.”

Air France quittera en effet la plateforme d’Orly en 2026 et arrêtera les navettes la reliant à Toulouse (16 vols par jour en semaine en 2023). La compagnie française entend positionner sa filiale Transavia, une compagnie low cost néerlandaise, pour reprendre tout ou partie de l’offre, avec laquelle ATB est entrée en discussion. “À cela s’ajoute une évolution de la politique tarifaire d’Air France, notamment en métropole, souligne Philippe Crébassa. En 2023, les tarifs ont encore augmenté de 15 % en moyenne. Et ils avaient déjà augmenté de plus de 30 % entre 2021 et 2022. Cela impacte la demande. Bien sûr, la demande subit l’évolution des politiques de déplacement des entreprises, plus sensibles au développement durable et à la maîtrise de leurs coûts, mais cela n’explique pas tout.”

La prédominance des compagnies low cost

Les trois premières compagnies aériennes qui opèrent aujourd’hui à l’aéroport de Toulouse-Blagnac sont Air France, easyJet (qui assure elle aussi la liaison directe avec Paris) et Ryanair. À elles seules, elles représentent les deux tiers du trafic. Le retrait annoncé d’Air France devrait propulser les low cost en tête de pont pour effectuer les liaisons intérieures.

“Nous assistons à une transformation, un passage de relais entre la compagnie nationale et les compagnies low cost, reconnaît Philippe Crébassa. C’est l’avenir du transport aérien en Europe. Les compagnies traditionnelles regroupent leurs forces sur l’alimentation de leurs hubs. Air France en a deux en France : Roissy et Lyon. Lufthansa, British Airways ou Iberia agissent de même. Concernant ATB, notre objectif reste bien d’avoir une offre globale qui puisse satisfaire toutes les clientèles, affinitaires, touristiques et affaires, en termes de fréquence, de régularité, de flexibilité, et de qualité de services.”

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