La filière de l’éolien offshore craint d’être balayée par l’arrivée du RN
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La filière de l’éolien offshore craint d’être balayée par l’arrivée du RN

Le Rassemblement national, pressenti en tête des intentions de vote pour ces prochaines élections législatives, souhaite établir un moratoire pour chaque nouveau projet de chantier éolien. Les acteurs du secteur s’inquiètent de leur devenir. De nombreuses voix s’élèvent pour avertir sur les conséquences économiques et écologiques d’une telle décision.

Parc éolien Saint-Nazaire. Les Pays de la Loire comptent un tiers des 8 000 emplois nationaux de l'éolien offshore — Photo : Benjamin Robert

"Dangereux". "Absurde". "Insensé". "Inconscient". Les qualificatifs qui caractérisent les émotions de la filière de l’éolien offshore face aux ambitions du Rassemblement national (RN) sont de cet ordre-là.

En ce début de semaine, le RN a détaillé son programme, revenant notamment sur sa vision du mix énergétique français. Ce rendez-vous était attendu pour les acteurs de la filière des énergies renouvelables, souvent remise en cause par le parti d’extrême droite. Les annonces ont été à la hauteur des inquiétudes. Jordan Bardella, président du RN, a ainsi confirmé son souhait de poser "un moratoire pour toute nouvelle construction de chantier éolien".

"Pour un parti qui porte en étendard la souveraineté nationale, ils vont réduire nos capacités de production"

Présenté par deux principales associations, France Renouvelables et le Syndicat des énergies renouvelables (SER), la filière semble sonnée. "Ce positionnement est une absurdité", fustige d’entrée Matthieu Blandin, directeur de la stratégie pour l’éolien offshore chez Valemo et Akrocean, à Nantes. "C’est un paradoxe très fort. Pour un parti qui porte en étendard la souveraineté nationale, ils vont réduire nos capacités de production. L’éolien permet de produire une énergie locale, à l’inverse des énergies fossiles issues de pays parfois peu démocratiques", assure Matthieu Monnier, délégué général de France Renouvelables.

Les Pays de la Loire en première ligne

Devant ce raz de marée, les Pays de la Loire et le port de Nantes Saint-Nazaire sont en première ligne. Le territoire compte un tiers des 8 000 emplois nationaux de l’éolien offshore. "Les deux autres territoires les plus touchés seraient la Normandie et l’Île-de-France avec de nombreux postes dans le tertiaire", note Matthieu Monnier. L’éolien offshore, à lui seul, est censé atteindre 20 000 emplois d’ici à 2035. Des chiffres remis en cause par ce potentiel moratoire. "Les conséquences sur l’emploi et l’économie seraient désastreuses", prévient Matthieu Blandin.

Toute la chaîne de valeur serait touchée par ce recul. "Nous avons développé toute une filière industrielle des énergies marines renouvelables avec des fabricants de pales, de nacelles ou encore de sous-stations. Et cela avec de grands donneurs d’ordres comme Les Chantiers de l’Atlantique et des chaînes de sous-traitants", note Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables.

Un pouvoir d’achat qui serait mis à mal

Au-delà des salariés du secteur, toute la population française serait concernée par ce recul à long terme, selon les représentants du secteur. Et pour cause, leur pouvoir d’achat serait fortement impacté. "Cela expose notre pays à des variations de prix des énergies fossiles en fonction des crises, expose Matthieu Monnier. L’invasion de l’Ukraine, et l’envolée des prix de l’énergie qu’elle a provoquée, est un exemple. À la vue du contexte géopolitique actuel, il y a fort à parier qu’il y ait d’autres crises à l’avenir". Les énergies renouvelables, et souveraines, permettent ainsi de réguler le prix de l’énergie. "Il serait inconscient de réduire à néant les investissements réalisés par la filière, sans compter notre objectif de 45 GW à l’horizon 2050", pointe pour sa part Jules Nyssen.

Une vision court-termiste et purement électoraliste

La souveraineté énergétique vis-à-vis d’autres puissances, les conséquences à long terme sur le pouvoir d’achat des Français, ou encore l’impact néfaste sur l’aspect économique ou écologique. Si toutes les cases d’une décision désastreuse semblent à première vue bien cochées, comment alors expliquer ce positionnement du RN ? Les acteurs du secteur se l’expliquent de plusieurs manières. Tout d’abord, la vision court-termiste et purement électoraliste. "Ils cherchent à exploiter les inquiétudes immédiates sans prendre en compte les avantages à long terme des énergies renouvelables, tant en termes économiques qu’environnementaux", croit savoir Matthieu Blandin, pour qui l’impact paysager, qui est une critique récurrente, ne tient pas non plus. "De nombreux éléments du paysage, comme les châteaux d’eau, remplissent des fonctions essentielles et ne sont pas très esthétiques. Idem avec les autoroutes qui traversent nos campagnes. Surtout, l’éolien offshore se développe de plus en plus loin des côtes", appuie-t-il.

Le nucléaire ne peut répondre seule au défi environnemental

De son côté, Matthieu Monnier y voit une croyance absolue dans l’énergie nucléaire pour répondre au défi environnemental. "Or, même la filière nucléaire a indiqué ne pas être en mesure de mettre en marche autant de nouveaux réacteurs en si peu de temps", pointe-t-il. De plus, les énergies renouvelables se veulent compétitives aussi sur le terrain des prix. "Le coût de production de l’éolien en mer varie entre 45 et 100 euros par mégawattheure, tandis que le nouveau nucléaire coûte entre 110 et 130 euros par mégawattheure et nécessite beaucoup plus de temps pour être construit, en général 20 ans, contre une dizaine pour l’éolien offshore", soulève Matthieu Blandin.

Le résultat des urnes le 7 juillet pourrait donner une majorité de députés RN à l’assemblée. "Par cette décision de moratoire, il y a une volonté manifeste du RN de ne pas vouloir sortir trop vite des énergies fossiles, ou de notre dépendance au gaz russe", note Matthieu Monnier. Il est vrai que le Rassemblement National a déjà été épinglé plusieurs fois pour sa proximité avec le président russe Vladimir Poutine. "Je considère la Russie comme une menace", s’est néanmoins défendu Jordan Bardella ce lundi lors de sa conférence de presse. Alors pourquoi ne pas soutenir le développement d’une filière qui participe à notre souveraineté ? Un paradoxe, encore.

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