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"En reprenant ECO, Séché Environnement s’apprête à réaliser la plus importante acquisition de son histoire"
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Baptiste Janiaud directeur administratif et financier de Séché Environnement "En reprenant ECO, Séché Environnement s’apprête à réaliser la plus importante acquisition de son histoire"

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Séché Environnement s’apprête à reprendre ECO Industrial Environmental Engineering Pte Ltd, une entreprise de Singapour de 300 salariés. Ce rachat constitue la plus importante opération de croissance externe de l’histoire du groupe mayennais, la première en Asie. Explications de Baptiste Janiaud, directeur administratif et financier du groupe lavallois.

Baptiste Janiaud est le directeur administratif et financier du groupe mayennais Séché Environnement — Photo : Emma Laupa

Le spécialiste des déchets Séché Environnement (1 Md€ de CA en 2023, 6 000 salariés) s’apprête à reprendre ECO Industrial Environmental Engineering Pte Ltd. Comment se déroule l’acquisition de cette entreprise de Singapour ?

En 2023, nous n’avions même pas été identifiés comme possible repreneur. Puis, nous sommes apparus comme un petit challenger parmi une quarantaine de candidats à la reprise. Pour de grands fonds internationaux, ECO était un petit investissement, alors que c’est le plus important de l’histoire de Séché (avec un montant de la transaction de 417 millions d’euros, NDLR). Même si notre offre n’était pas la plus élevée, notre projet de valorisation des compétences et des équipes d’ECO s’inscrit dans la durée. Cette vision a sans doute pesé aux yeux des cédants pour qui vendre était un crève-cœur.

Pourquoi alors ont-ils souhaité vendre ?

C’est une décision liée à des raisons politiques : la société chinoise qui était actionnaire, Beijing Capital Eco-Environment Protection Group Co, a dû rapatrier ses capitaux en Chine. Mais l’entreprise fonctionne très bien, elle a des contrats à long terme. Son taux de marge est même exceptionnel avec un Ebitda de plus de 41 millions SGD (28 millions d’euros, NDLR). C’est très rare de voir ce type d’actifs mis en vente. ECO est un game changer, un leader sur un marché mature. C’est un acteur très performant et autonome qu’on rachète pour faire de la croissance.

Quand aurez-vous validé cette acquisition ?

La signature du SPA (convention d’achat d’actifs) sera validée lors de l’assemblée générale extraordinaire de Beijing Capital le 4 juillet. Le closing devrait être effectué fin juillet. Cette cession porte sur 100 % des actifs.

Quelles sont les activités d'ECO ?

ECO gère toutes les formes de déchets industriels : solides, gazeux, liquides. La société gère l'ensemble de la chaine : la collecte, le transport, la récupération et le traitement des déchets dangereux. Elle intervient également en urgence, pour le désamiantage par exemple. Son site unique est capable de gérer différents types de déchets dangereux, y compris les boues des stations d'épuration industrielles.

Les clients d'ECO sont très diversifiés. Ce sont les collectivités locales ou des acteurs de la chimie, de la pharmacie, de l'énergie ou des énergies renouvelables.

Associée dans deux joint-ventures, ECO sait également régénérer des métaux précieux et réactiver des charbons actifs (qui servent à filtrer l'air d'une unité industrielle par exemple, NDLR). Or, jusqu'ici Séché ne recycle pas les charbons actifs et seulement les métaux rares. Intervenir sur les métaux précieux, qui entrent dans la fabrication de composants pour l'électronique et les semi-conducteurs notamment, est très intéressant dans ce bassin de production dynamique.

Le groupe Séché réalise 26 % de son chiffre d’affaires à l’international. Est-il déjà présent en Asie ?

Jusqu’ici nous étions peu actifs dans cette zone. Nous intervenions parfois par opportunités, sur demande, via notre filiale espagnole Solarca.

"Évidemment, ECO sera à terme notre hub opérationnel pour l’Asie et le Pacifique"

Cette reprise constitue donc une implantation stratégique dans une zone où Séché Environnement n’était pas encore présent ?

Singapour ouvre une porte sur toute l’Asie mais aussi le Pacifique. Singapour est une plateforme industrielle active, et de plus en plus active. C’est un hub économique et géostratégique en Asie. Comme l’était historiquement Hong Kong. Sur l’île, 20 % du PIB provient de la production manufacturière. Nous avons de très gros clients européens qui sont également présents là-bas. Séché a aussi des atouts à apporter pour se déployer en Asie. Évidemment, ECO sera à terme notre hub opérationnel pour toute cette zone géographique.

Quels sont les autres atouts principaux d’ECO que vous avez identifiés ?

Son potentiel de croissance, ses installations récentes et sa position. La société est aujourd’hui très investie autour de l’économie circulaire et la décarbonation, en réponse à la politique du gouvernement de Singapour. Cela offre des perspectives pour développer de nouveaux contrats. Dans cette zone géographique, il existe encore peu d’acteurs capables de gérer des déchets dangereux en phase avec la réglementation.

Quels sont les principaux concurrents d’ECO ?

Comme c’est une île, les barrières douanières sont très élevées. Il est donc très compliqué de s’implanter dans ses domaines d’activité, il n’y a pas de concurrents sur certaines activités. Pour des grands groupes de pétrochimie par exemple, s’appuyer sur ce savoir-faire sécurise les activités pour le traitement de suie de carbone. ECO signe des contrats sur 10, 15, 20 ans alors que nous, en Europe, on peut avoir des contrats équivalents parfois d’un an seulement.

Les installations avec l’incinérateur de la société ECO à Singapour. Un potentiel supplémentaire de cette acquisition pour développer des énergies renouvelables d’ici quelques années — Photo : ECO

Avez-vous déjà établi un programme de développement ?

Pendant dix-huit mois, nous allons déjà devoir digérer cette acquisition, la plus importante qui ait été réalisée par le groupe Séché. Nous allons devoir aussi apprendre à nous intégrer dans l’écosystème économique local. Nous voyons déjà des synergies possibles entre nos activités et celles d’ECO, sur les produits dangereux en particulier. Mais il est encore trop tôt pour dire ce que nous pourrons développer ensuite…

Vous avez cependant quelques idées en réflexion ?

Le premier client d’ECO est une très grande firme pharmaceutique : avec le solvant, il y a un travail à faire qu’on peut développer, une stratégie à mener avec les compétences de Séché. Sur le traitement des eaux industrielles également, ECO étant également leader pour le traitement des boues des stations d’épuration industrielles sur l’île. Son incinérateur pourrait permettre de développer une énergie renouvelable sur l’exemple de Salaise (Le site Tredi de Salaise-sur-Sanne, en Isère, est l’un des plus grands centres de traitement thermique des déchets dangereux de France ; il permet d’alimenter seize industriels par un réseau de chaleur, NDLR). À la différence qu’à Singapour, il faut généralement produire plus du froid que de la chaleur ; mais il faut dans tous les cas disposer d’énergie pour cela. Mais ça, ce sera dans un deuxième temps.

Laval # Gestion des déchets # International # Implantation # Reprise # ETI