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"Avec le made in France, il faut proposer des produits différents et innovants"
Aisne # Industrie # Made in France

"Avec le made in France, il faut proposer des produits différents et innovants"

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Entreprise familiale basée à Colombes (Île-de-France), Viquel conçoit et fabrique des produits de classement et des fournitures scolaires et de bureau dans ses trois usines implantées dans l’Aisne (Hauts-de-France). Seule PME de ce secteur en France, Viquel (30 M€ de CA en 2022, 119 salariés) exporte dans 50 pays. Vanessa Viquel-Delangre, sa dirigeante, revient sur les enjeux du made in France.

Vanessa Viquel-Delangre, petite-fille du fondateur de Viquel, devenue en 2013 sa directrice générale — Photo : Ludovic Da Silva

Pourquoi avoir fait le choix de produire en France et en particulier dans l’Aisne ?

Cette entreprise de maroquinerie créée par mon grand-père en 1949 était entièrement artisanale au départ. Après la guerre, comme nombre d’artisans qui étaient installés autour du canal Saint-Martin à Paris, mon grand-père a dû déménager l’entreprise et a choisi de l’installer dans le sud de l’Aisne. À la reprise par mon père en 1991, l’entreprise a pris plusieurs virages : elle s’est industrialisée, automatisée, et s’est spécialisée dans la bureautique et le scolaire. Elle est également passée du PVC au polypropylène et s’est tournée vers la grande distribution. Lorsqu’elle s’est agrandie, passant d’un à trois sites de production, mon père a choisi de rester dans la région. Aujourd’hui, 60 % de nos produits de bureautique sont fabriqués dans l’Aisne où nous avons notre entrepôt et trois usines, à Oulchy-le-Château, Grisolles et Fère-en-Tardenois. En revanche, les produits scolaires et de bagagerie – cartables, trousses etc. – étant difficiles à produire en France à des prix abordables, ils sont fabriqués en Asie. Il est impossible de produire à perte.

Quelles difficultés rencontrez-vous du fait de produire en France, notamment face à la concurrence asiatique ?

Jusque dans les années 1980, il n’y avait pas de concurrence autre que la France. Par la suite, pour réussir à concurrencer la production asiatique, il a fallu améliorer la cadence des machines et accélérer l’automatisation et la robotisation. Si ce n’est pas compliqué de produire en France, il s’avère en revanche difficile d’avoir un prix de revient qui permette de rester dans les prix du marché. Pour réussir, il faut maîtriser les coûts et sans arrêt investir dans les machines pour augmenter les cadences et pour proposer des produits différents, originaux et innovants afin de justifier des prix plus élevés.

Au-delà de permettre de garantir des normes de fabrication rigoureuses, produire en France est beaucoup plus souple et permet de travailler en flux tendus. Si nous avons de la concurrence sur la rentrée des classes (50 % de notre CA) avec des centrales qui achètent en direct par containers en Chine, sur tous les produits permanents, les clients achètent à la semaine et travaillent en flux tendus. Le marché de la papeterie et du classement est un marché de consommables avec des besoins à l’année, ce qui nous permet d’exister encore. Outre la souplesse et la réactivité du made in France, nous pouvons proposer à nos clients des gammes spécifiques sur de petites quantités – 1 000 à 2 000 pièces –, ce que ne permet pas le marché asiatique. Et nous restons flexibles pour réajuster les commandes selon les besoins.

Face à l’inflation, vous avez dû consentir à des hausses de prix ?

À deux reprises en 2022 et 2023, sur certaines gammes de produits, nous avons augmenté nos prix de 10 à 12 %, soit de quelques centimes d’euros. Heureusement, nous avons pour notre part dû renouveler notre contrat d’énergie à la fin de la hausse et non au moment du pic. De fait, notre facture a "seulement" été multipliée par trois. 2022 a été l’année la plus dure avec jusqu’à 200 % d’augmentation sur les prix des matières premières. Cela a été compliqué pour tous les industriels en termes de rentabilité car personne n’avait anticipé cette hausse et personne ne maîtrise les prix un an à l’avance.

Mais l’entreprise est saine et ce n’est pas une année difficile qui va nous déstabiliser, même s’il ne faut pas que cela dure trop longtemps. À la différence de ceux qui font de l’import et sont impactés par le prix des containers, notre industrie n’est pas en péril. Mais la difficulté reste de faire du volume. En 2022, nous réalisions 8 % de volume en moins qu’avant Covid. Avec l’augmentation des prix, les consommateurs évitent de renouveler leurs achats et font plus d’arbitrages.

Comment ces hausses des coûts de production ont-elles impacté l’entreprise ?

En tant qu’entreprise 100 % familiale, nous n’avons pas de fonds d’investissement au capital, donc pas de dividendes à verser. Cela a juste altéré notre capacité à investir. Si le prix des matières premières a baissé, nous ne sommes pas revenus aux prix d’avant la crise. Mais l’augmentation de nos prix de vente couvre dorénavant la hausse des prix des matières premières, ce qui n’était pas le cas auparavant. Si nous ne pouvons pas encore revenir à nos prix d’avant crise, nous espérons pouvoir baisser nos prix dès que les prix des matières premières et de l’énergie baisseront. À cause de la baisse de nos volumes de vente, nous n’avons pas prévu de nouvelles embauches, mis à part les remplacements des collaborateurs qui doivent partir à la retraite.

Vos 2 500 références sont-elles toutes pérennes ?

Certaines gammes ou références n’existent que le temps d’une saison ou sont vouées à exister seulement une ou deux années : nous suivons les modes et les tendances, notamment pour la rentrée des classes. Nous n’avons arrêté aucun produit mais il y a des gammes en chute en volume et en valeur tandis que d’autres prennent plus de place. C’est le cas des classeurs et des pochettes perforées qui sont peu à peu remplacés par les trieurs. Il s’agit plus d’évolutions liées à de nouveaux usages.

Êtes-vous impacté par la réglementation sur le plastique ?

Nous n’utilisons pas de plastique à usage unique donc nous ne sommes pas concernés par la réglementation. Mais le fait d’en parler pousse les consommateurs à se poser la question. Depuis six ans, nous proposons Essentiel Recycle, une gamme composée à 80 % de polypropylène recyclé, notamment pour les produits de classement. Chez Viquel, des équipes projet se montent régulièrement pour porter des innovations. Dernière en date, la revalorisation des matières. Si pour le moment, nous dépendons fortement des recycleurs, nous aimerions être autonomes et revaloriser nos déchets et nos matières sur d’autres produits que le classement. Cette diversification est en marche mais reste encore confidentielle.

En tant que PME, pour ne pas prendre de risque en termes d’investissement, nous entamons également une démarche de diversification de nos machines qui ne travaillent que le polypropylène avec des industriels partenaires qui détiennent le savoir-faire. Mon rêve de croissance ? Trouver une nouvelle matière pour remplacer le polypropylène, une matière plus vertueuse qui permettrait une vraie croissance verte.

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