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Aqualande : "En pleine croissance, nous avons choisi de produire moins vite pour aller plus vite"
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Aqualande : "En pleine croissance, nous avons choisi de produire moins vite pour aller plus vite"

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Poids lourd de l’aquaculture en Europe, le groupe landais Aqualande a entièrement revu l’organisation interne de son usine phare à Roquefort. Alors que sa progression était à deux chiffres, il a fait le choix il y a dix-huit mois de prendre du recul et se recentrer sur l’humain. Bilan : des gains flagrants de productivité et de bien-être.

Damien Sicot a intégré Aqualande fin 2020 en tant que directeur industriel — Photo : Aqualande

En 18 mois, le groupe Aqualande (1 100 salariés, 150 M€ de CA) a réduit ses accidents du travail de 30 %, ses réclamations clients de 14 % et a augmenté sa productivité de 5 points. Dans le même temps, elle a réduit ses heures supplémentaires et ses samedis travaillés à néant. Sa recette : "produire moins vite pour aller plus vite". Le fruit d’une révolution dans l’organisation interne de sa principale usine, à Roquefort dans les Landes (800 personnes pour 130 M€ de CA), que Damien Sicot a impulsé à son arrivée au poste de directeur industriel fin 2020.

Des managers "en mode pompier"

À l’époque pourtant, beaucoup n’auraient perçu que des voyants au vert. La progression était à deux chiffres depuis plusieurs années, répondant à un marché bondissant depuis 10 ans. "C’était la course à la croissance : investir dans des usines, bâtiments, machines." Depuis son siège, le groupe familial d’aquaculture poursuivait son expansion autour de l’élevage et la transformation de poissons frais et atteignait à l’époque 110 millions d’euros de chiffre d’affaires. L’usine sur site, spécialisée dans la transformation de truite, turbinait. "Mais un étage avait été oublié : investir dans les hommes", raconte Damien Sicot.

"Ils dépensaient beaucoup d’énergie. Les managers de proximité étaient en mode pompiers. Or, il n’y a pas de performance sans bien-être. La productivité n’est qu’une conséquence de notre organisation." Damien Sicot convainc sans difficulté la direction d’effectuer un diagnostic interne, épaulé par un cabinet. Une évidence pour cet ancien du monde du conseil qui collaborait déjà avec Aqualande en tant que consultant. "Je n’ai pas été embauché pour cette démarche précisément, mais le président me connaissait… Même si le chantier était monstrueux, il ne me faisait pas peur à partir du moment où je l’avais déjà conduit ailleurs et que j’avais le soutien de la direction. La dynamique doit venir d’en haut."

"Un étage avait été oublié : investir dans les hommes"

Au tour ensuite des managers qu’il faut embarquer dans l’aventure, en les persuadant de ralentir le rythme de production. "Au début ils m’ont pris pour un fou. Ils craignaient que l’on réduise le volume". Pourtant, le constat était sans appel : "On a usé les équipes dans le fonctionnement.

Nous avions beaucoup d’accidents du travail et un fort absentéisme subi : ce sont des indicateurs. Il a fallu comprendre pourquoi." Damien Sicot a commencé par emmener son équipe projet - huit managers - chez Sodeb’O, "voir une autre organisation dans l’agroalimentaire".

Benchmark et embauches

De retour, le chantier s’est concentré sur la redéfinition des rôles de chacun en s’appuyant sur le diagramme de Nemoto : le top management délivre la vision stratégique, le management intermédiaire distribue les objectifs et améliore les conditions de travail, l’opérationnel crée de la valeur. "Quand on dysfonctionne, tout le monde est tiré vers l’opérationnel et fait le pompier. Les managers doivent prendre les décisions au bon niveau. Par exemple, un directeur d’usine n’a pas à penser au rangement des bacs."

Les solutions ont découlé des constats : "Un manager de proximité avec 50 personnes n’est pas en capacité de s’occuper vraiment de son équipe. Alors on a grossi la ligne managériale, réduit les périmètres à une vingtaine de personnes, ajouté une fonction relais au manager."

Avec un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros en 2022, Aqualande, créé en 1981, est un fleuron de l'économie landaise. De la reproduction à la transformation, l'entreprise maîtrise la filière aquacole — Photo : Aqualande

Autre constat : les équipes ne se sentaient pas suffisamment écoutées. "Nous avons mis en place des points quotidiens." Aqualande a recruté et fait évoluer 350 de ses employés. "Mon job est de mettre la bonne personne au bon endroit. Mais attention, tout le monde n’a pas évolué, ça aurait été les mettre en danger. Nous avons tenu des discours de franchise."

"De décembre 2020 à août 2021, nous avons préparé le terrain : analyser les risques, découper les périmètres, redéfinir les fonctions, recruter et lancer un chantier pilote sur une unité de 90 personnes. Très vite tout le monde a été en demande et on a vite déployé le dispositif."

15 à 20 % du temps des managers

Quand il a été question d’exposer la réorganisation à l’ensemble des salariés, des groupes de 15 personnes ont été constitués. "Nous avons réalisé un énorme travail pour réexpliquer les missions de chacun. Nous avons beaucoup vulgarisé, créé des posters, des jeux pour que chacun s’approprie son rôle." Tous les managers de proximité ont été accompagnés par du coaching et des formations. "Ça aussi c’est la clé."

Et le coût pour l’entreprise ? "L’accompagnement par le cabinet de conseil rentrait dans notre budget formation. L’investissement a surtout été en temps." Les managers ont consacré 15 à 20 % de leur temps de travail au projet en 2021. "C’est normal, c’est le temps qu’ils doivent consacrer à penser à l’organisation. S’ils ne le font pas, personne ne le fera à leur place."

Des projets de robotisation

Aujourd’hui, si toutes les lances à eau ne sont pas encore dans les placards, "pour moi l’objectif de mettre l’opérationnel sous contrôle est atteint", estime Damien Sicot. Désormais le cadre est tourné vers d’autres projets. À commencer par un plan de robotisation pour pallier les difficultés de recrutement liées au manque d’attractivité de certains postes. Avant, éventuellement, de revoir encore l’organisation. "Peut-être qu’elle ne sera plus adaptée dans trois ou quatre ans ? Le contexte aura peut-être changé. L’organisation d’une entreprise est vivante. Il faut s’ouvrir et voir ce qui se fait ailleurs", conclut le directeur industriel qui, dès cet été, a accueilli à son tour des entreprises en quête d’inspiration.

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