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Altrans accélère sur la voie de la décarbonation
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Altrans accélère sur la voie de la décarbonation

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Le transporteur mosellan Altrans veut convertir l’intégralité de sa flotte de camions vers des biocarburants et autres alternatives au diesel d’ici à 2026. Un engagement fort porté par le dirigeant Paul-Antoine Jung, qui maintient les objectifs de croissance et vise les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Paul-Antoine Jung est à la tête du groupe Altrans depuis 2010 — Photo : Altrans

Encore à l’état de projet, l’extension du marché européen de quotas carbone au secteur des transports ne serait pas pour déplaire à Paul-Antoine Jung, le dirigeant du groupe Altrans, basé à Hambach, en Moselle. Le transporteur, qui emploie 500 personnes, s’est engagé résolument sur la voie de la décarbonation, et veut avoir converti d’ici à 2026 l’ensemble de ses 280 camions à une alternative au diesel, que ce soit le gaz, un biocarburant ou l’électricité.

Trois millions d’euros chaque année pour renouveler la flotte

"50 % de notre flotte fonctionne déjà grâce au gaz ou aux biocarburants B100 ou HVO. Au mieux en 2026, au plus tard en 2028, nous serons sortis du diesel", annonce Paul-Antoine Jung, qui investit tous les ans environ 3 millions d’euros pour renouveler sa flotte. L’engagement précoce du transporteur mosellan dans la décarbonation, pris dès 2016, permet aujourd’hui au groupe d’afficher une empreinte carbone inférieure de 34 % à la moyenne du secteur. "Donc s’il fallait payer le carbone, nous laisserions tout le monde sur place", se félicite Paul-Antoine Jung.

L’électrique, une technologie à ses débuts

Un camion fonctionnant au B100, biocarburant composé à 100 % de composés d’origine végétale, permet de réduire de 65 % les émissions de CO2 et de parcourir 2 500 kilomètres. Le HVO, pour huile végétale hydrotraitée, offre des performances similaires, contrairement au gaz, qui permet de réduire les émissions de CO2 de 90 %, mais ne permet pas de dépasser les 600 kilomètres.

"Actuellement, un camion électrique, c’est à peine 400 kilomètres d’autonomie sur le papier. La technologie en est encore à ses balbutiements, mais les prix sont trois fois plus élevés par rapport à un camion diesel", calcule le dirigeant d’Altrans, conscient que la bascule vers l’électricité pourrait lui revenir cher, le coût d’un chargeur nécessaire à la recharge d’un camion frisant les 100 000 euros.

Un schéma similaire à l’arrivée du gaz

Le dirigeant du groupe Altrans attend désormais avec impatience ses premiers camions électriques, afin de pouvoir retravailler son modèle économique en fonction des capacités affichées par ses engins fonctionnant sur batteries. "Le schéma me rappelle ce que nous avons vécu en 2016, avec l’arrivée des premiers camions au gaz", retrace Paul-Antoine Jung. Avec un engin dont le coût était supérieur de 20 % à son équivalent diesel, pour une énergie 30 % moins cher, l’enjeu était de "faire tourner le camion tout le temps, en changeant de chauffeur au bout des 450 kilomètres d’autonomie laissés par le gaz", décrit le dirigeant d’Altrans.

La moitié des 280 camions exploités par Altrans ont déjà abandonné le diesel pour une alternative, le gaz ou un biocarburant — Photo : Altrans

Retravailler le modèle économique

Paul-Antoine Jung s’apprête donc à refaire le même exercice avec l’énergie électrique : "L’année prochaine, nous aurons une dizaine de camions qui vont arriver dans nos agences. Nos équipes d’exploitation pourront alors les affecter à des tournées locales et affiner le modèle économique", déroule Paul-Antoine Jung. Car pour le dirigeant d’Altrans, l’électricité est incontournable dans le paysage du transport. "L’objectif, c’est la neutralité carbone", martèle le dirigeant. "Donc avec le gaz ou les biocarburants, on n’y sera pas."

Pour anticiper l’arrivée du camion électrique, le dirigeant d’Altrans s’apprête à investir plus d’un million d’euros pour couvrir de 3 500 m2 de panneaux photovoltaïques les 15 000 m2 de toits de son entrepôt d’Hambach. "Il suffirait de 500 m2 pour couvrir les besoins du bâtiment, mais l’idée est de générer plus d’énergie pour pouvoir charger les camions", dévoile Paul-Antoine Jung.

Achat d’un "prototype" fonctionnant à l’hydrogène

Travaillant à 60 % pour les besoins du bassin d’activité autour des sept agences du groupe, soit du transport régional, le dirigeant d’Altrans s’est déjà penché sur la multimodalité et la possibilité de basculer vers le fer, sans y voir une solution miracle : "Rien qu’ici, à Hambach, nous sommes très mal desservis par le train. Donc il faudra continuer à faire rouler des camions et pour encore très longtemps", estime Paul-Antoine Jung, sans pour autant rejeter le ferroviaire pour les longues distances.

Curieux de suivre l’évolution des technologies, le dirigeant d’Altrans a commandé il y a maintenant plus de trois ans un camion fonctionnant à l’hydrogène. "Je commence à l’attendre avec impatience celui-là…", s’amuse Paul-Antoine Jung. Le dirigeant estime que la technologie ne sera pas prête avant "8 à 10 ans" et évoque l’achat d’un "prototype" à plus de 450 000 €, destiné à "mener des tests".

Accompagner les sous-traitants dans la transition

Suivi pour son bilan carbone et sa politique de réduction de son empreinte environnementale par Carbon 4, le cabinet de conseil fondé par Jean-Marc Jancovici, le groupe Altrans réalise 85 % de son activité en direct, quand le reste est confié à des sous-traitants en affrètement. "Mais ce sont ces 15 % de notre activité qui pèsent 50 % de notre poids carbone, regrette Paul-Antoine Jung. C’est un axe de travail : embarquer les confrères avec nous dans la décarbonation de l’activité, les accompagner dans la transition. Cela va aussi nous obliger à sélectionner…" Conscient de la difficulté des petites entreprises de transport à investir dans un marché en recul, celui qui est aussi président du groupement de transporteurs Tred Union rappelle que "toute la profession est alignée avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050". Mais cela "va être compliqué pour les plus petites entreprises".

Des cibles pour lancer des croissances externes

Visant les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires à horizon 2026, Paul-Antoine Jung compte aussi sur la croissance externe pour atteindre son objectif : "J’étudie actuellement trois dossiers de croissances externes", dévoile le dirigeant, tout en restant discret sur les cibles. "Le Covid nous a fait prendre du retard sur nos objectifs. Mais je préfère boucler des exercices avec des résultats stables plutôt que de faire de la croissance pour de la croissance", affirme le dirigeant d’Altrans, qui a bouclé l’année 2022 sur 73 millions d’euros de chiffre d’affaires, puis 2023 sur 68 millions d’euros, et anticipe un nouvel exercice compliqué. "Mais 2022 restera une année très difficile, où nous avons couru partout pour répondre aux affaires, avec un manque de 30 chauffeurs", précise Paul-Antoine Jung.

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